Les jeux de regards de Fabrice Samyn

Peintre avant tout, mais également photographe et sculpteur, il présente dans une salle dédiée tout un ensemble d’œuvres créées durant les quinze dernières années. Une série de fenêtres recouvertes d’un linge blanc, un bouquet de fleurs qui se démultiplie, mais aussi des visages pris dans un jeu de présences/absences, comme celui d’un homme caché par un linge ou celui d’un autre homme, de dos, inaccessible, sont autant d’images déroutantes qui suggèrent un regard tour à tour annihilé, perdu, démultiplié à l’infini comme par un effet miroir. Samyn cultive les hors-champ et les paradoxes. Son intervention qui, par ailleurs, se déploie dans les salles dédiées aux maîtres anciens et dans le musée consacré à Magritte, participe d’une mise à l’épreuve vertigineuse de notre regard. On pourrait y voir un prolongement post-duchampien, mais il y a là aussi une aspiration quasi mystique qui interroge notre place dans le monde. Nourri de textes et d’images religieuses, Samyn n’hésite pas à convoquer le cosmos et à créer des dialogues qui vont au-delà de toute question liée aux dogmes religieux, pour rejoindre la sphère du sacré. La salle Rubens, qui accueille une série de peintures de flammes dans lesquelles Moïse se consume, en donne un bel exemple. Plus loin, une peinture-focus révèle dans le diptyque d’Adam et Ève de Lucas Cranach une image énigmatique de l’iris du cerf. Fabrice Samyn tente d’affûter notre regard, de « détruire les images mentales » qui nous emprisonnent. Et, lorsqu’il se confronte à Magritte, avec lequel il partage un goût certain pour les contradictions, c’est bien cette part de mise à l’épreuve de notre perception qu’il affronte et qu’il partage avec nous.