Accompagnant la publication récente du catalogue raisonné de l’œuvre peint de Gérard Schlosser aux éditions Mare & Martin, le Suquet des Artistes de Cannes a l’heureuse idée de consacrer une exposition monographique, sous le commissariat de Numa Hambursin et d’Hanna Baudet, à ce créateur singulier, né en 1931 à Lille, dont la peinture à la fois sociale, politique et existentielle oscille entre hyperréalisme et Figuration narrative.
Croisant des jeunes filles en short et des garçons en jean, les visiteurs contemplent une véritable peinture du bonheur, ces tableaux fortement sensuels s’attardant principalement sur les rendez-vous galants, les week-ends en famille et les siestes après-déjeuner. Scindé en deux parties, le parcours, riche d’une cinquantaine de toiles exceptionnelles et de plus de deux cents photomontages aidant à la réalisation des compositions, permet non seulement de comprendre la fabrique picturale mais également de pénétrer un univers intime et charnel envoûtant, à mi-chemin entre le pleinairisme joyeux d’un Bonnard et le marivaudage cinématographique d’un Rohmer. Cerise sur le gâteau, cette manifestation ne s’interdit pas, malgré le puritanisme ambiant actuel, de montrer la part diablement érotique à l’œuvre chez Schlosser. Mis en garde par un cartel portant la mention « Réservé à un public adulte et averti », les regardeurs qui le souhaitent écartent bientôt des rideaux cramoisis pour découvrir un sein palpé par une main gourmande, une jeune femme se caressant sans gêne au soleil ou bien encore une autre, observée par le trou de la serrure, en train d’ajuster son porte-jarretelles. Ce dispositif délibérément voyeuriste fait alors écho à Michel Leiris affirmant : « Rien ne me paraît ressembler autant à un bordel qu’un musée. »
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°733 du 1 avril 2020, avec le titre suivant : Les fruits défendus de Gérard Schlosser
