METZ
La première exposition personnelle d’Hanne Lippard (née en 1984) en France est une véritable expérience immersive.
Guidés par la voix de l’artiste, qui se déploie dans l’espace à travers divers dispositifs et installations, nous sommes invités à penser notre rapport au monde par le biais du langage. L’exposition, dont le titre « Le langage est une peau » est emprunté à Roland Barthes, « met en scène la rencontre entre le corps du visiteur, le texte et l’espace public ». La référence au sémiologue n’est pas fortuite, en ce que le texte, qu’il soit écrit ou oral, est le point de départ du travail de l’artiste norvégienne, installée à Berlin. Ainsi, les Emotion censor, disséminés dans l’exposition, sont des pièces sonores activées par le passage du visiteur. Imitant la diction robotique des assistants personnels des GAFAM (Siri, Alexa…), la voix de l’artiste retentit, comme un rappel brutal de l’hyperconnectivité et de la standardisation qui régissent nos sociétés. Hanne Lippard décortique la place sociale et politique du langage, exprimé par la voix féminine, désincarnée par les nouvelles technologies. En témoignent les trois grandes installations de cette exposition : Anonymities, traitant de l’anonymat et du bug dans une œuvre volontairement cacophonique ; Passive/Active, faisant l’analogie entre le corps humain et la machine, et The Mouth is a Round, The Voice is Around, pendant d’Anonimities qui offre un espace de parole à tout un chacun. La dimension rythmique du texte et l’aspect performatif de la voix qui habite l’espace tel un oracle robotique matérialisent l’absence physique de l’artiste et lui confèrent, paradoxalement, une présence d’autant plus palpable. Cette très belle exposition, aussi exigeante qu’accessible, démontre avec brio, pour ceux qui seraient encore dubitatifs, que dématérialisation ne rime pas avec aridité, mais peut au contraire impulser des réflexions fécondes sur notre être social et politique.
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Les formes sociales du langage
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°747 du 1 octobre 2021, avec le titre suivant : Les formes sociales du langage