Neuf cols à franchir, 540 km à parcourir, 69 relais : telle est la route du Kisokaidō, l’une des cinq voies créées à l’époque Edo (1603-1868), reliant Edo, où vit le shogun, dignitaire militaire qui gouverne le Japon, à Kyoto, capitale impériale.
À travers deux séries d’estampes d’une grande beauté, l’une réalisée entre 1835 et 1838 par Utagawa Hiroshige et Keisai Eisen et l’autre par Utagawa Kuniyoshi deux décennies plus tard, le Musée Cernuschi nous invite au voyage. Chaque estampe évoque une station de la route du Kisokaidō. Il commence à Edo, avec Eisen, cet artiste connu pour saisir et rendre avec subtilité les activités humaines. C’est le petit matin, un soleil rouge se lève dans le ciel au-dessus de la rivière. Une fine couche de neige recouvre les toits. Les pêcheurs s’affairent sur le pont. Le voyage se poursuit, d’étape en étape, et, bientôt, Hiroshige nous entraîne dans des montagnes aux lignes sinueuses et lyriques. Parfois, la pluie affole les personnages ; d’autres fois, la neige les enveloppe de son silence. Les couleurs exceptionnellement bien conservées de cette série prêtée par la collection Georges Leskowicz, considérée comme l’une des plus belles du monde, s’impriment sur nos rétines, avant que ces dernières ne se délectent de la série de Kuniyoshi, réalisée vingt ans plus tard. Les estampes de cet artiste inclassable, conservées par le Musée Cernuschi, nous entraînent dans des scènes inspirées de romans ou des légendes du folklore. Avec lui, nos pieds quittent la terre et le réel pour parcourir une route du Kisokaidō fantasmée où le temps semble suspendu.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°738 du 1 novembre 2020, avec le titre suivant : Les éclats de la route du Kisokaidō
