Fort du succès de l’exposition consacrée, l’année passée, aux aquarelles et aux dessins de Egon Schiele, et après Passau en Allemagne, le Musée-Galerie de la Seita expose un choix de dessins de Gustav Klimt provenant de collections privées américaines. Esquisses ou œuvres abouties, ces pièces sont inédites en France.
PARIS - Première exposition d’importance consacrée exclusivement aux dessins de Klimt en France, l’accrochage lève le voile sur une part peu connue de la production de l’artiste, très mal représentée dans nos collections. Nullement destinés à une diffusion publique, il est vrai, (hormis quelques publications dans la revue sécessionniste Ver Sacrum), les dessins de Klimt furent presque ignorés de ses contemporains.
Ceux-ci connurent pendant longtemps une diffusion quasi confidentielle, bien qu’en 1918, année même de la mort de l’artiste, le marchand d’art Gustav Nebehay ait exposé les dessins de la succession. Leur nombre est pourtant considérable : quelque 5 000 ou 6 000 feuilles, dont 3 000 conservées, comme l’atteste le catalogue des œuvres, achevé il y a dix ans.
Les collections Sabarsky
Les dessins présentés sont issus pour la plupart de la collection rassemblée par Serge Sabarsky, célèbre collectionneur et marchand d’art autrichien, qui s’est exilé aux États-Unis en 1938. Connu pour les nombreuses expositions qu’il organise aux quatre coins du monde, notamment en Israël, en Tchécoslovaquie – où il préside la Fondation Schiele – et dans tous les pays de l’Est, il crée actuellement sa propre fondation d’art à New York.
Des cent dix dessins exposés le mois dernier à Passau, une quarantaine a été éliminée. "Nous avons éliminé les doublons, toutes les esquisses ne comportant qu’un intérêt mesuré, pour privilégier les dessins achevés et montrer ce qu’il y a de plus abouti", explique Marie-Claire Adès, conservateur du Musée de la Seita.
Innombrables nus
En suivant un parcours chronologique, l’exposition couvre toutes les périodes de la production du peintre. On voit ainsi un Klimt dont la peinture, déjà, faisait à la ligne la part belle (entrelacs ornementaux, contours ondoyants strictement définis...), passer de la pratique assidue de l’étude préparatoire au "dessin autonome". "Dans sa période la plus épanouie, Klimt a considéré le dessin comme un genre d’art à part entière", ajoute Marie-Claire Adès. Des séries innombrables de nus féminins – déclinaisons obsessionnelles de silhouettes recroquevillées ou enlacées en d’impudiques arabesques – en témoignent. Ces dessins sont empreints d’un érotisme désespéré où le trait, au fil des années, se fera plus tremblé et plus vibrant.
Esquisses pour la plupart, les dessins de la première période – symboliste – laissent à la ligne moins de liberté. Des œuvres de cette période présentées ici, notons un dessin à la craie noire réalisé pour le tableau disparu Feux follets, une très belle étude de Femme enceinte pour la seconde version de L’Espoir, et surtout cette émouvante étude pour la Danaë (1907-1908), jeune fille nue recourbée dont les contours frêles et anguleux dégagent une poignante et sensuelle détresse. Non moins émouvants, cinq portraits de vieilles femmes (dont une magnifique sanguine) exécutés pour l’un des plus célèbres tableaux de Klimt, Les Trois âges de la vie, ont été réunis.
On regrettera cependant qu’aucun de ses somptueux dessins à l’encre ou lavis, habillés de rehauts de blanc et d’or, ne soient présentés : une face plus ornementale et plus sophistiquée de l’œuvre graphique de Klimt qu’il est dommage
de méconnaître.
Musée-Galerie de la Seita, 5 octobre-30 novembre.
Klimt : les dessins 1878-1918, catalogue en quatre volumes de Alice Strobl, Salzbourg, éd. Galerie Welz.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Les dessins de Klimt : une première en France
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°7 du 1 octobre 1994, avec le titre suivant : Les dessins de Klimt : une première en France