Son nom ne vous dit sans doute rien. Il est pourtant devenu, malgré lui, l’un des plasticiens les plus connus dans son pays.
Depuis son exposition au Musée d’art moderne de Varsovie au printemps 2019, Daniel Rycharski représente pour une partie de la Pologne nationaliste l’ennemi numéro un, l’artiste scandaleux par excellence. Pour l’autre partie, Rycharski incarne à l’inverse une sorte de figure messianique de la résistance artistique. Catholique et militant LGBT, profondément attaché à son village de Kurówko, où il est né en 1986 et où il travaille toujours, Daniel Rycharski entend dénoncer les contradictions d’une Église polonaise de moins en moins charitable, et de plus en plus vassale au gouvernement populiste. L’œuvre qui lui a valu l’anathème des nationalistes ? Des croix chrétiennes recouvertes d’habits ayant appartenu à des homosexuels ; plantées dans les champs, ces croix deviennent des épouvantails destinés à faire fuir les sangliers. À la Villa Arson, l’artiste expose d’autres œuvres tout aussi engagées, comme Les Cages ou Le Crucifix, toutes deux de 2019. La première représente des prisons en forme d’églises réalisées à partir des fers forgés des clôtures typiques de Pologne ; la seconde, deux Christ bras écartés s’enlaçant. Cette dernière est un hommage à Dietrich Bonhoeffer, un pasteur résistant exécuté par les nazis en 1945, qui prônait un christianisme politique non religieux, centré sur l’humain. Le corps en souffrance du Christ devient ainsi chez Rycharski un corps réconfortant, un Christ d’amour, les bras grands ouverts pour accueillir les migrants, les homosexuels… Bref, tous ceux que le pouvoir polonais stigmatise pour en faire un ennemi commun, ce que dénonce Daniel Rycharski.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°730 du 1 janvier 2020, avec le titre suivant : Les cris de Rycharski