Les créatures inclassables de Quentin Garel

C’est un dialogue harmonieux qui se crée entre un lieu chargé d’histoire – le bâtiment date du XVIIe siècle – et des figures animales contemporaines, au caractère atemporel. Si la plupart des œuvres présentées ont été réalisées pour l’exposition du Muséum d’histoire naturelle (2016), c’est l’occasion de donner un nouvel éclairage à près de vingt ans de travail. Réalisés en bronze et en bois, ces objets d’inspiration scientifique sont le fruit d’une fascination pour le vivant et d’un travail minutieux sur la matière. L’artiste, qui se perçoit plus comme un artisan, entend déranger le public avec ses créations d’hybrides, d’animaux-monstres, dotés d’une inquiétante étrangeté. Les tentacules envoûtants et les cous disproportionnés des girafes et des autruches suscitent à la fois l’étonnement et l’horreur : le bizarre et le beau s’entremêlent brillamment. Cette déambulation au sein d’un bestiaire imaginaire donne au visiteur la possibilité de toucher les œuvres et d’élargir sa connaissance de l’animal. Bien que le point de départ soit scientifique, l’artiste laisse ensuite libre cours à son imagination pour créer une « archéologie fantasmée » du vivant, en témoigne son trophée de veau à deux têtes. Ses dessins préparatoires au fusain, Palimpsestes, donnent à voir la genèse de son travail et constituent une galerie des portraits de ces créatures. L’intérêt pour la figure animale s’accompagne d’un tropisme pour les crânes et les têtes d’animaux, faisant écho au motif traditionnel des vanités, signe du passage du temps. Les corps sont morcelés et dépouillés, voire réduits à un état squelettique, à l’instar de l’œuvre Cachalorca (2015). Troublante et fascinante, cette exposition rend hommage à l’intelligence et à la diversité du vivant, preuve que l’homme n’est pas maître et possesseur de la nature.