Parallèles - Les scarifications ponctuent les objets d’art extra-européen, et nombreux sont les artefacts de la collection de Monique et Jean-Paul Barbier-Mueller conservés dans le musée éponyme à Genève qui en portent la trace : brûlures, griffures ou entailles qui font écho à chaque fois aux marques rituelles réalisées sur les corps humains.
En 2008, l’artiste catalan Miquel Barceló faisait la connaissance des deux collectionneurs genevois et imaginait une rencontre entre ses œuvres et une sélection de pièces du musée sur le thème de la scarification. C’est enfin chose faite avec ce beau dialogue qui donne à voir, pour la grande majorité, des inédits de l’artiste, sortis de sa collection personnelle. L’amplitude de son travail en termes de médiums – peinture, dessin, lithographie, céramique surtout, dont l’apprentissage s’est fait au Mali en pays dogon où il réside une partie de l’année – est frappante. Ce sont des œuvres au caractère brut et presque archaïque, qui portent des traces de coupures, déchirures, décolorations, poinçonnages, quadrillages, hachures, perçages. Tout est iconoclaste dans la pratique de ce grand artiste contemporain qui ne s’interdit rien en matière de corps-à-corps avec ses œuvres. En creux, cette pratique dit beaucoup de l’homme derrière l’artiste, dévoile ses angoisses, son ouverture à la cosmogonie, son rapport à son propre corps aussi, comme en témoignent de nombreux autoportraits. On retiendra des mises en parallèle particulièrement réussies, tel cet hypnotisant autoportrait aux yeux troués de 2010 confronté à des masques zoomorphes nés sur le continent africain. « Scarification mentale », selon les propres mots de l’artiste, un autoportrait de 2005 (Moi) réalisé sur une toile de lin cabossée a été « vieilli » naturellement par l’exposition de plusieurs années à la poussière d’Afrique et l’agression de guêpes et d’araignées : « C’est mon petit Dorian Gray » ,dit Barceló. Une œuvre-miroir qui résume à elle seule cette incroyable exposition.
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Les cicatrices de l’art
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°770 du 1 décembre 2023, avec le titre suivant : Les cicatrices de l’art