Devenue marquise par la grâce de Louis XV dont elle fut la maîtresse, Jeanne-Antoinette Poisson (1721-1764), dite Mme de Pompadour, est surtout célèbre pour le rôle politique qu’elle eut à la cour. Elle l’est aussi pour ses goûts artistiques – réduits à tort au style rococo –, que le Musée national du château de Versailles met aujourd’hui en exergue à travers quelque 220 pièces : peinture, sculpture, mobilier, orfèvrerie, porcelaine, estampe et bijou.
VERSAILLES - Mme de Pompadour était-elle cette idole du rococo, du luxe et du superflu, qui poussait les artistes de son temps à créer pour flatter son image et orner ses intérieurs, comme il a maintes fois été écrit ? En publiant l’inventaire après décès de la marquise en 1939, Jean Cordey invitait déjà à reconsidérer cette idée, signalant combien ses goûts étaient éclectiques. Cinquante ans plus tard, dans un article novateur, Donald Posner démontrait qu’elle n’avait pas eu de réelle influence sur les arts, utilisés surtout pour aménager et décorer les nombreuses résidences où elle recevait le roi, et qu’elle n’était pour rien dans l’invention des pastorales d’enfants chez Boucher ! C’est dans cet état d’esprit que s’inscrit l’exposition du château de Versailles, visant à brosser un portrait plus juste d’“une femme résolument sensible à l’art de son temps, plus qu’un collectionneur, une maîtresse de maison exigeante dont le goût sut évoluer au gré des nouveautés, [et] répondit à celui des fermiers généraux et des financiers qui l’avaient éduquée”, explique Xavier Salmon, conservateur au musée. L’ensemble des portraits que la marquise avait commandés à Nattier, Boucher, Van Loo, Drouais a pu être réuni. Seul manque à l’appel le pastel exécuté par Maurice Quentin de La Tour en 1755 et conservé au Louvre. Les espaces du château de Versailles étant trop monumentaux, l’exposition se déploie dans un lieu fictif, réalisé à l’aide de murs artificiels et d’un faux plafond en toile, qui divise l’espace en de petites salles chaleureuses, d’une grande sobriété, ou en étroite galerie pour les sculptures.
“Pompons et fanfreluches”
Entourant l’effigie de Louis XV en habit militaire peinte par Carle Van Loo, les imposants portraits de Mme de Pompadour réalisés par François Boucher, son favori, en 1756, et François-Hubert Drouais, en 1763-1764, inaugurent et concluent le parcours. De manière générale, les portraits de la marquise sont destinés à être vus par un grand public et revêtent tous une dimension politique. Dans celui de 1756, elle se représente en protectrice des arts, assurant le rayonnement du règne de Louis XV en Europe. Pour répondre aux critiques de ses contemporains, notamment Grimm qui reprochait au tableau d’être “surchargé d’ornements, de pompons et de toutes sortes de fanfreluches”, elle se fait portraiturer quelques mois plus tard, toujours par Boucher, dans la même pose mais sans artifices et dans une attitude solitaire. Achevé juste après sa mort, le grand portrait de Drouais l’impose comme la nouvelle Mme de Maintenon : elle reçoit à son métier à broder, et non à sa toilette, signe de sa nouvelle position à Versailles comme amie et conseillère du roi, et dont on retrouve une allusion dans une sculpture de marbre exécutée par Pigalle, où elle prend les traits de L’Amitié. En peinture, les penchants de Mme de Pompadour ne sont pas ceux d’un collectionneur – elle n’a jamais acheté de toiles de maîtres anciens –, mais plutôt des pièces commandées pour être insérées dans des décors : de nombreuses figures d’enfants, des sujets animaliers, quelques scènes de genre, tel Le Garçon cabaretier de Chardin, ou encore des tableaux à forte connotation érotique pour émoustiller Louis XV, à l’instar de la Toilette de Vénus (1751) commandée à Boucher pour la salle de bains du château de Bellevue. Pour illustrer la diversité de ses choix artistiques et évoquer l’atmosphère de l’époque, une série de meubles est exposée pêle-mêle, tels le secrétaire en vernis bleu dont le décor imite les laques du Japon (1749-1750), le bidet de Louis XV en forme de poire allongée, les globes terrestre et céleste (1751) au style rocaille ou encore la commode “à la grecque”. Sa préférence semble, cela dit, aller aux porcelaines des Manufactures de Vincennes et de Sèvres, dont elle était la protectrice et, surtout, aux pièces d’Extrême-Orient. En atteste la paire de vases en céladon en forme de poissons de l’époque Kangxi (1662-1722). À l’image du Portrait d’une femme au chapeau de paille de Batoni, longtemps identifié comme celui de Mme de Pompadour, le parcours s’achève sur une note d’humour, avec des créations associées par erreur à la marquise.
- MADAME DE POMPADOUR ET LES ARTS, jusqu’au 19 mai, château de Versailles, 78000 Versailles, tél. 01 30 83 78 00, tlj sauf lundi, 11h30-17h30, www.chateauversailles.fr. Catalogue, RMN, 543 p., 59,50 euros. Puis, Kunsthalle der Hypo-Kulturstiftung à Munich (14 juin-15 septembre), et National Gallery de Londres (16 octobre-12 janvier 2003).
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Les choix de la marquise
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°144 du 8 mars 2002, avec le titre suivant : Les choix de la marquise