Les castors au château

Après des siècles d’absence, l’espèce bâtisseuse est de nouveau présente dans la rivière qui enlace le site grâce à une réintroduction réussie dans la Loire toute proche. Dans l’aile Longueville, le monument accueille aussi une importante collection de tapisseries, soit un médium prisé de longue date par l’artiste franco-américaine. Dans le cadre du programme « Un artiste, un monument » des musées nationaux (*), Suzanne Husky a bénéficié d’une carte blanche qui lui a permis de réaliser pour le site une monumentale frise brodée. Inspirée de la tapisserie de Bayeux, Histoire des alliances avec le peuple castor offre une fascinante déclinaison de l’ample dessin à l’aquarelle présenté au début de l’année au Drawing Lab (Paris) dans l’exposition « Le temps profond des rivières ». Avec la complicité du philosophe et chercheur Baptiste Morizot, qui en signe les textes, l’œuvre fait du castor le protagoniste d’une histoire des rivières depuis le Mésolithique. Elle souligne son rôle de protecteur, voire d’amplificateur du vivant et, par contraste, l’inconséquence des Occidentaux qui l’ont presque éradiqué dès l’époque moderne pour sa fourrure, sa chair et son castoréum. Dans la salle à manger attenante, une autre tapisserie (Bièvre bâtisseur de mondes, 2023) synthétise cette histoire dans un paysage au style fleuri, caractéristique des tapisseries du Moyen Âge et de la Renaissance. Un castor naturalisé et un petit ensemble de bâtons taillés complètent le tout, mais ne suffisent pas tout à fait à mettre l’exposition à l’échelle, il est vrai très imposante, du château. Le visiteur peut enrichir sa visite par lecture du catalogue et d’un ouvrage à paraître ce mois-ci aux éditions Actes Sud. Co-écrit avec Baptiste Morizot, Rendre l’eau à la Terre replace l’histoire des castors dans un contexte marqué à la fois par l’urgence climatique et la réévaluation des relations unissant l’homme aux autres formes du vivant.