Sa fortune critique a alterné célébrité et rejet. L’œuvre de Bernard Buffet a déclenché bien des passions qui se sont apaisées depuis une vingtaine d’années.
Entré aux Beaux-Arts en 1944, il se forme au Louvre et peint des natures mortes naturalistes dans la tradition de Courbet. Il a 20 ans lorsqu’il reçoit en 1948 le Prix de la critique, avec un thème qui déstabilise le public, mais qui révèle un peintre au style déjà affirmé. Deux Hommes dans une chambre l’introduit avec éclat dans le monde de la peinture. En 1956, il est couronné chef de la peinture française à la Biennale de Venise. Il est au sommet de sa gloire, il est encensé par la critique et il vit avec Pierre Bergé. Deux ans plus tard, une rétrospective intitulée « Cent tableaux de 1944 à 1958 » attirera plus de cent mille personnes. Vingt-trois œuvres de cette période, offertes par Buffet à Pierre Bergé, sont représentées dans cette exposition du Musée Estrine. « C’est la meilleure période de Bernard Buffet », déclare Elisa Farran, la directrice du musée. Celle qui a forgé son style et écrit son histoire. Engagé dans la figuration alors que l’abstraction atteint son apogée, il développe une création identitaire unique. Il peint ce qui l’entoure, le quotidien, ses contemporains, les paysages urbains comme les espaces imaginaires, l’histoire et les mythes revisités à l’exemple des maîtres. Les portraits et les autoportraits sans complaisance tiennent une place particulière dans cet ensemble. Si le graphisme nerveux, l’écriture acérée, l’allongement des corps demeurent, les compositions aux tonalités restreintes – ah, la force de cette Gitane nue à l’éventail ! – peuvent laisser la place à une couleur brillante ou offrir une valeur en noir et blanc. Ses fonds superbes, si subtils, sont dignes d’un maître de la peinture.
Musée Estrine, 8, rue Estrine, Saint-Rémy-de-Provence (13), www.musee-estrine.fr
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°714 du 1 juillet 2018, avec le titre suivant : Les Buffet de Pierre Bergé