Partant d’une thématique classique, celle de l’autoportrait, la National Gallery en montre des pièces majeures, d’autres moins, qui interpellent sur la notion du corps de l’artiste, la place de l’autoportrait face aux vanités ou le rôle de la femme peintre. La première toile exposée est un trésor. Il s’agit du célèbre autoportrait de Jan Van Eyck, datant de 1433, soit le plus ancien de l’exposition et l’un des premiers de l’histoire de l’art. Car si ce genre apparaît relativement tard, c’est qu’il suppose, d’un point de vue tout à fait technique, la création et la diffusion du miroir à la fin du xive siècle.
L’invention du genre se dispute d’ailleurs entre Van Eyck et Dürer, même si le peintre allemand fut le plus prolixe avec pas moins d’une cinquantaine d’autoportraits à son actif. L’ensemble de l’exposition se découvre ensuite dans une salle animée par un jeu de cloisons disposées de biais qui permettent d’appréhender et de comparer plusieurs œuvres en même temps.
L’autoportrait assume une fonction sociale forte. L’artiste donne une image idéalisée de lui, il se définit comme membre d’une élite intellectuelle plutôt qu’en artisan. Ainsi en est-il de Rembrandt, Rubens ou Van Dyck qui se dépeignent noblement. Alessandro Allori, Gerrit Dou ou André Derain se représentent de façon plus réaliste, tenant le pinceau à la main.
L’autre fonction de cet exercice se révèle plus introspective, plus intimiste : un questionnement sur le corps de l’artiste, corps dessiné au naturel ou idéalisé, sensuel, fort ou couard face à la mort. Nombre d’autoportraits mêlent le genre à celui des vanités, évoquant le corps vieillissant face au temps qui passe, la chair confrontée au squelette ou au sablier. Christian Schad insiste quant à lui sur le narcissisme qui empoisonne toute relation et ne permet de tomber amoureux que de sa propre image.
Les femmes peintres ont aussi été attirées par la figuration de l’artiste au travail. Certaines, dans le sens d’une incarnation de la création divine, se comparent à la Vierge Marie. Lavinia Fontana allant même jusqu’à s’identifier à la Madone dans sa signature. Quatre siècles plus tard, Frida Kahlo donne une image « folk » de la Vierge avec sa représentation frontale auréolée de fleurs.
Jenny Saville conclut l’exposition par un étrange narcissisme, à l’aide d’une peinture de grand format, terriblement tactile. Une présence qui s’exhibe comme une performance, une façon de dire « Je suis là ». Et c’est réellement le plus touchant avec cet exercice, le sentiment de complicité ressenti face à un artiste qui semble interroger, scruter, targuer ou séduire.
« L’autoportrait, de la Renaissance à l’époque contemporaine », National Portrait Gallery, St Martin’s Place, Londres, tél. 44 20 7312 24 63, www.npg.org.uk, jusqu’au 29 janvier.
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Les autres et moi
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°576 du 1 janvier 2006, avec le titre suivant : Les autres et moi