Les ambivalences de Bernard Buffet

Comme le titre l’indique, le propos de l’exposition est de révéler l’ambivalence d’une peinture dont les thèmes et la forme se sont nourris tant d’art médiéval et de sources savantes que de culture populaire et d’un regard tourné vers la trivialité de la réalité quotidienne. Une ambiguïté que l’on retrouve aussi dans la figure de l’artiste qui incarne les paradoxes du peintre moderne : à la fois ultrapopulaire, très médiatisé et solitaire, inscrit dans son époque et à rebours de son temps. Le découpage thématique de l’exposition permet d’appréhender les différents aspects de cette ambivalence. Plusieurs salles sont consacrées aux liens qu’entretenait l’artiste avec le Moyen Âge. Le visiteur perçoit le rapport iconographique, relevant une prédilection pour les thèmes majeurs de l’art médiéval : danses macabres et squelettes, Crucifixions et vie du Christ, figures historiques comme Jeanne d’Arc ou Dante. La réflexion sur la mort et la critique satirique de la société sous-tendent ce corpus thématique. Le parcours donne aussi à lire l’apport formel de l’art médiéval dans la peinture de Bernard Buffet dont le style se veut plat et hiératique dans le traitement de l’espace et l’agencement des figures. Il est passionnant de constater comment, parallèlement à l’apport de cette tradition ancienne, le peintre n’a cessé de se nourrir de la contemporanéité, qu’il s’agisse de motifs tirés de la vie quotidienne (ustensiles, compotiers, revolvers, automobiles) ou des moyens d’expression populaires utilisés pour leur efficacité visuelle (bandes dessinées, publicités, cartes postales). Faisant de sa peinture le lieu d’une tension entre la tradition intemporelle et le tremblement de l’actualité, Bernard Buffet représente les paradoxes d’une modernité qui, au sens baudelairien, a su tirer le transitoire vers l’éternel.