Impressionnisme - Les enfants impressionnistes. En voilà un sujet « tarte à la crème », qui convoque irrémédiablement un imaginaire suranné : des cohortes de petites filles sages tirées à quatre épingles arborant des toilettes BCBG, des nœuds dans les cheveux et de gros bouquets de fleurs, et des petits garçons déguisés en marins s’amusant avec des cerceaux.
Difficile de ne pas être caricatural, tant ces images d’Épinal ont saturé l’inconscient collectif à force d’être reproduites sur toutes sortes de produits dérivés. Pour être honnête, on redoutait le pire : c’est-à-dire l’exposition bonbonnière, dégoulinante de bons sentiments et de joliesse. Le Musée des impressionnismes de Giverny prend le contrepied et raconte au contraire une tout autre histoire : celle des artistes et de leur progéniture, et plus largement du statut de l’enfant à la fin du XIXe siècle. Premier constat, il y eut autant de modèles de familles que d’artistes : Monet, qui eut du mal à s’emparer de son rôle de père et qui l’a confessé dans des œuvres malaisantes, Renoir, le papa poule qui a inlassablement croqué ses fils et réinventé le genre de la maternité, Morisot, qui a noué une relation indéfectible avec sa fille à travers les toiles, mais aussi Pissarro, qui était à la tête d’une tribu d’artistes secouée par les drames. Car, derrière l’image de façade d’une peinture du bonheur de vivre, cette prédominance de portraits de bambins trahit une réalité cruelle. Celle d’une époque où la mortalité infantile faisait encore des ravages et où l’on s’empressait donc d’immortaliser les êtres chers. Moins légère qu’il n’y paraît, l’exposition émeut donc, interpelle et dérange même parfois, comme quand elle analyse la manière dont les artistes ont tenté de saisir le trouble de l’adolescence. L’autre atout du projet, c’est la sélection irréprochable qui réussit le grand écart entre les icônes incontournables et les pépites. Mention spéciale pour les superbes portraits psychologiques du Britannique Henry Scott Tuke, qui sidèrent par leur justesse intemporelle.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
L’enfance de l’art
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°765 du 1 juin 2023, avec le titre suivant : L’enfance de l’art