Dès les années 1970, Düsseldorf s’est forgé une réputation saillante, étroitement liée au médium photographique en général et à la patte de Bernd et Hilla Becher en particulier. Un gage de qualité, de facture, de procédé, abondamment cultivé par le marché international de la photographie, qui accompagne avec gourmandise et depuis le début des années 1990 plusieurs générations d’artistes formatés par les célèbres représentants de la photographie objective. À tel point que les Thomas Struth, Andreas Gursky, Thomas Ruff (dont la valeur marchande est jusqu’ici demeurée sans égale dans le domaine de la photographie) suivis de Candida Höfer ou Axel Hütte, et plus récemment de Bernhard Fuchs ou Kris Scholz, ramènent à la redécouverte de ceux qui les formèrent à la légendaire école des Beaux-Arts de Düsseldorf. Si la facture plate et neutre, le principe sériel et la décontextualisation des objets autant que des sujets empruntent la même sensibilité documentaire que leurs aînés, la dilatation spectaculaire de leurs formats, l’intrusion de la couleur et du beau tirage font montre de quelques infidélités aux exigences des Becher, devenus en quelques années icônes, références (plus ou moins justement attribuées) bien plus qu’artistes toujours en activité. Un renversement dont le couple Becher ne semble pas s’émouvoir, poursuivant leur projet documentaire avec le même enthousiasme et le même appétit qu’à leurs débuts. Pourtant c’est bien eux qui, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, initient le conflit opposant la tradition subjective menée par Otto Steinert (1915-1978) à une tradition objective dont August Sander avait été le représentant le plus éminent en Allemagne. Le premier creuse le sillon moderniste de l’expérimentation, du poétique, de l’interprétation à la Folkwangschule d’Essen. Les seconds poursuivent leur quête descriptive en enseignant à l’académie de Düsseldorf une pratique apparemment neutre et descriptive de la photographie.
Une dualité toujours vivace, d’autant que la touche documentaire semble marquer quelques signes d’essoufflement, et ébranler timidement l’image tenace et systématique d’une photographie allemande tout entière prisonnière d’une technique, d’un vocabulaire objectifs… et de l’enseignement des Becher.
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L’école de Düsseldorf : l’inusable ascendant des Becher
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°554 du 1 janvier 2004, avec le titre suivant : L’école de Düsseldorf : l’inusable ascendant des Becher