CÉRAMIQUE

Le street art s’embourgeoise

Par Éléonore Thery · Le Journal des Arts

Le 20 septembre 2017 - 491 mots

À Salernes, dix street artistes ont été invités à s’emparer de ce matériau traditionnel qu’est la céramique. Avec un bonheur inégal.

 Salernes (Var).« L’art ne vient pas se coucher dans les lits qu’on a faits pour lui ; il se sauve aussitôt qu’on prononce son nom », écrivait Jean Dubuffet en 1960 au sujet de l’art brut. Le propos pourrait s’appliquer à l’art urbain, né dans la rue, offert à tous, avec la double volonté de défier l’autorité et de résonner avec son environnement.

De l’eau a coulé sous les ponts depuis ces débuts. Les institutions, d’abord rétives, n’ont de cesse désormais d’inviter le street art entre leurs murs, avec la volonté affichée de se montrer attentives aux multiples formes que prend l’art actuel, et dans le but moins avoué de faire du chiffre en attirant le chaland. Le street art est convié aujourd’hui à la Maison de la céramique de Salernes, ouverte depuis 2010 dans une ancienne usine restaurée par Jean-Michel Wilmotte. « Le musée s’inscrit dans les 5 000 ans d’histoire du travail de la terre développé dans la région, mais il doit également se tourner vers le contemporain. Ce travail de la céramique est une nouvelle branche qu’on ajoute au street art ; le travail en volume ne peut qu’intéresser les artistes, explique Guy Moch, commissaire de l’exposition. C’est un vrai défi pour eux : sur les dix sélectionnés, seul Jacques Villeglé avait déjà travaillé la céramique. »

Un exercice raté pour plusieurs créateurs
L’affiche est belle : les artistes ont été réunis avec la collaboration et le financement de la galerie Brugier Rigail (Paris). Le casting fait à la fois état de la diversité du mouvement, de ses médiums et de ses générations, mariant Villeglé, chef de file des affichistes ; Miss. Tic, pochoiriste de la première heure ; Speedy Graphito, peintre lointain héritier de Keith Haring ; Nasty, adepte de la bombe ; L’Atlas, inspiré par la calligraphie arabe… Mais alors que la collusion entre la céramique et le street art – tous deux longtemps considérés comme mineurs par le monde de l’art – aurait pu être détonante, le fruit de cette invitation, exposé dans une unique salle, est fort inégal. Certains parviennent à s’emparer du matériau comme un nouveau terrain de jeu, à l’instar de Villeglé et de son alphabet socio-politique prenant corps en trois dimensions, de Speedy Graphito et son skate-board lointain cousin des montres molles de Dalí, de Levalet et ses bustes ayant troqué leur tête contre des brassées de fleurs, de l’Atlas et son labyrinthe tout en ombres et lumières.

Pour d’autres, comme Miss. Tic ou Jérôme Mesnager, l’exercice est raté. La céramique relève du support plus que du médium et leur langage se voit relégué au rang de motif décoratif à caractère domestique, bien loin de l’énergie frondeuse, de la prise de risque et du dialogue avec le contexte que peut offrir le street art.Toute tentative d’enfermer le mouvement entre quatre murs est un exercice périlleux.

Nouveau défi du street art : la céramique, 4e Biennale de la céramique de Salernes,
jusqu’au 1er octobre, Terra Rossa, Maison de la céramique architecturale, quartier Les Launes, 83690 Salernes, www.terrarossasalernes.fr

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°485 du 22 septembre 2017, avec le titre suivant : Le street art s’embourgeoise

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