Le siège de Paris illustré

Fils d’un détaillant d’articles pour artistes, marchand et collectionneur, Alfred Binant (1822-1904) reprit les activités de son père dans les années 1850, fournissant notamment en toiles de grandes dimensions les peintres de décors ou de panoramas. Il louait aussi des ateliers à des artistes et entretenait un important réseau d’amateurs en province. Pendant la guerre de 1870, ayant mis sa famille à l’abri à Digne-les-Bains, il se trouva enfermé dans Paris par le siège qu’en fit l’armée prussienne, du 17 septembre 1870 au 26 janvier 1871. Il écrivit plus tard : « C’est pendant la durée même du siège que la pensée nous vint de conserver à l’histoire [...], le souvenir vivant des événements auxquels nous assistions. La série de tableaux [...] fut dès lors entreprise. »

Binant fit peindre trente-six toiles de dimensions inégales, dont certaines de grande taille (2,50 x 4 mètres), par treize artistes. Il les exposa en janvier 1872 à la galerie que lui loua Paul Durand-Ruel, puis les légua en septembre 1898 à la Ville de Paris pour le Musée Carnavalet. On ne sait pourquoi cette institution n’en détient aujourd’hui que treize, et encore moins où sont les œuvres manquantes. Binant avait accompagné son exposition d’un livret (dont est tirée la citation ci-dessus) donnant les titres et dimensions des œuvres, avec un commentaire très patriotique de l’action représentée et une localisation précise des points marquants du paysage.

Étudiant l’opuscule de Binant, Sylvie Gonzalez, alors directrice du Musée de Saint-Denis, a eu le bonheur de retrouver, au Musée Gassendi de Digne-les-Bains, les répliques de petites dimensions (de 37 à 19 cm de largeur) des trente-six toiles. Ce sont des huiles sur papier marouflées sur du bois de récupération, parfois signées et datées « À Paris, 1870-1871 ». On peut penser que ce sont les modèles, exécutés pendant le siège et la Commune, des futures toiles de Carnavalet dont trois sont exposées à Saint-Denis. Ces modèles avaient été offerts par Binant à un ami de Digne et ont été récemment restaurés par le CICRP (Centre interdisciplinaire de conservation et de restauration du patrimoine), à Marseille, puis déposés par le Musée de Digne-les-Bains au Musée de Saint-Denis.