Genre canonique et académique, le portrait raconte à lui seul toute l’histoire de l’art. Longtemps limité et figé par les exigences de la tradition classique, réalisé la plupart du temps sur commande, le portrait est cependant devenu un véritable champ d’expérimentation au cours du xxe siècle. « Le xixe siècle annonçait la mort du portrait, alors que le xxe a totalement su faire évoluer et renaître le genre, explique Paloma Alarco, conservatrice au musée Thyssen-Bornemisza. Le portrait est devenu un genre multiforme et complexe. Dans le portrait moderne, c’est le regard du peintre et non plus celui de la personne représentée qui redéfinit les codes : le portrait est à la fois un miroir et un masque du peintre. »
Classées par ordre chronologique et thématique, les cent cinquante peintures et sculptures de l’exposition permettent de revisiter les plus importants courants du siècle, de Cézanne et Van Gogh, pionniers du portrait moderne, jusqu’à David Hockney. Si le portrait connaît une telle évolution, c’est aussi parce que le xxe siècle coïncide avec l’exploration et l’analyse de l’individualité. C’est aussi parce que les deux guerres mondiales viennent détruire une certaine image de la réalité. Après la Première Guerre mondiale notamment, de nombreux artistes prônent un retour à la figuration et au portrait traditionnel et classique, comme le montrent les portraits de Picasso, Matisse, Dalí ou Balthus.
Au siècle de Picasso, les portraits ne sont plus tant la représentation d’une personne que l’expression de la sensibilité du peintre, et souvent de son angoisse face à la vie. Dans les portraits de Miró, De Chirico ou Frida Kahlo, l’identité de la personne représentée se dissout ou est dénaturée. Pour Bacon et ses visages déformés, c’est l’aliénation de l’homme qui est évoquée, sa vulnérabilité aussi. Chez Lucian Freud et Stanley Spencer, c’est la solitude de l’homme qui s’exprime.
Parmi les chefs-d’œuvre présentés, il faut citer les superbes tableaux d’Egon Schiele (Le Poète, 1911) et d’Edvard Munch (Le Noctambule, 1923-1924) qui ont su peindre avec tant de profondeur l’angoisse et la fragilité de l’être humain. Enfin, à l’extrême, comme dans les tableaux d’Andy Warhol, le sujet n’est plus qu’un prétexte, un exercice de style, qui est travaillé en série ou réduit à la représentation d’une simple ombre (Ombre, 1981).
« Le Miroir et le masque. Le portrait au siècle de Picasso » • Musée Thyssen-Bornemisza, Paseo del Prado 8, 28014 Madrid (Espagne), tél. 00 34 91 36 90 151, jusqu’au 20 mai 2007; • Fondation Caja Madrid, Plaza de San Martin 1, 28013 Madrid (Espagne), jusqu’au 20 mai 2007.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Le portrait au temps de Picasso & Co
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°589 du 1 mars 2007, avec le titre suivant : Le portrait au temps de Picasso & Co