Pour son exposition consacrée à Van Gogh, le Kunstmuseum de Bâle réunit des prêts exceptionnels sur le thème du paysage. Cinq ans ont été nécessaires à la préparation de cette manifestation qui s’annonce comme l’un des blockbusters de l’été.
BÂLE - Des affiches sur la tour de contrôle de l’aéroport, des billetteries disséminées aux abords du musée, dont la cour intérieure a été couverte d’un grand barnum et équipée d’un nouveau restaurant, une foule qui se presse en rangs serrés dans les salles étroites... Nul doute que cette nouvelle exposition consacrée à Vincent Van Gogh (1853-1890) au Kunstmuseum de Bâle a tout du blockbuster. Ses organisateurs ne le démentent pas en annonçant espérer 500 000 visiteurs, du jamais vu dans ce musée suisse. Mais qu’y a-t-il encore à montrer de Van Gogh ? Le sujet retenu par ses commissaires est d’une troublante simplicité, celui des paysages, thème cher au peintre néerlandais. Le pari était pourtant plus risqué qu’il n’y paraît, le Musée de Bâle ne conservant que six tableaux du peintre. Il a donc fallu travailler longuement, cinq ans au total, afin d’obtenir des prêts capables de soutenir la démonstration. L’exposition est sur ce point plus que réussie puisqu’elle a permis de réunir des tableaux peu exposés depuis de longues années. Et elle illustre parfaitement à quel point la peinture de Van Gogh a mis du temps à mûrir, entre tableaux de qualité médiocre et véritables chefs-d’œuvre.
Tâtonnements
Le parcours suit simplement le fil chronologique de la courte carrière de l’artiste, de 1880 à 1890. Les premières expérimentations à l’huile, à partir de paysages de la ville de Nuenen (Pays-Bas), où sont alors installés ses parents, sont marquées par une forte influence de l’école de La Haye, avec leurs couleurs sombres et leurs sujets ruraux. Van Gogh tâtonne, mais tente avec succès d’y introduire la couleur avec son Champ de fleurs en Hollande (avril 1883, Washington, National Gallery). Arrivé à Paris en 1886, le peintre découvre l’impressionnisme et le post-impressionnisme. Ses vues de la capitale prennent rapidement des accents pointillistes dans une palette pastel des moins heureuses. L’exposition offre toutefois l’occasion de réunir quelques-uns des triptyques conçus à cette époque, en réalité des panneaux autonomes qui, selon Nadia Zimmer, commissaire de cette exposition, étaient exposés tels un ensemble chez son marchand Ambroise Vollard. Ainsi des Bords de Seine à Clichy peints à l’été 1887, aujourd’hui dispersés entre Dallas, Chicago et une collection privée. Mais c’est à Arles, où Van Gogh s’installe en février 1888 pour trouver davantage de solitude, qu’il parviendra à trouver sa propre voie. Il compose désormais directement avec la couleur, sur le motif, et relègue le dessin au rang de préoccupation secondaire. Vincent y vit au rythme de la nature et se lance dans un cycle des saisons. Sa première grande série prend pour thème le printemps. En témoigne Les Abricotiers en fleurs (avril 1888), un tableau toujours en mains privées, qui n’avait pas été exposé publiquement depuis 1928. L’été est ensuite représenté par un ensemble magistral, peint en juin 1888 : Le Champ de blé (Honolulu, Academy of Arts), Les Moissonneurs (Paris, Musée Rodin) et Soir d’été (Winterthour, Kunstmuseum), ce dernier tableau, dans son état d’origine, ne voyageant jamais. Avec sa touche désormais caractéristique, Van Gogh y élève la ligne d’horizon, et parvient à rendre palpable la tension entre le travail des champs et la silhouette industrielle de la ville. Champs de vigne (octobre 1888, Otterlo, Kröller-Müller) adopte encore des accents japonisants. À Saint-Rémy-de-Provence, sa peinture prend subitement des accents plus étranges, avec Les Oliviers (juin 1889, New York, Museum of Modern Art). « Van Gogh charge alors son trait d’une nouvelle énergie », souligne Nadia Zimmer. Les thèmes de prédilection, moissonneurs, cyprès et oliviers, sont traités de manière plus expressionniste et avec une économie de la couleur. Les tensions semblent s’apaiser à Auvers-sur-Oise, dernière étape du périple du peintre, à partir de mai 1890. Van Gogh y tente de nouvelles expérimentations, réintègre la couleur, adopte le format panoramique, constitué par l’assemblage de deux panneaux carrés. L’éclaircie aura été de courte durée. Dès la fin juillet, il se suicide.
- Commissariat : Bernhard Menges Bürgi, directeur, Kunstmuseum ; Nina Zimmer, conservatrice, Kunstmuseum ; Walter Feilchenfeldt, conseiller
- Nombre d’œuvres : 70 tableaux
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Le paysage selon Vincent Van Gogh
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 27 septembre, Kunstmuseum, Saint-Alban-Graben 16, Bâle (Suisse), tlj sf lundi, 9h-19h, www.vangogh.ch. Cat. (français), 312 p., éd. Kunstmuseum Basel, ISBN : 978-3-7204-0186-9.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°306 du 26 juin 2009, avec le titre suivant : Le paysage selon Vincent Van Gogh