Le musée imaginaire de Yourcenar

CASSEL - De son enfance passée dans le nord de la France, Marguerite Yourcenar a toute sa vie gardé en tête des images. Celles qu’elle a vues de ses yeux, mais également celles peintes par les artistes flamands. « J’ai quelque peu l’impression d’être reliée à Bosch, et surtout peut-être à Brueghel », écrit-elle bien des années plus tard dans des Lettres à ses amis. Cet amour de la peinture se manifeste sur le plan personnel : l’écrivaine joue avec son arbre généalogique et se rêve un lien de parenté avec Rubens. Il sous-tend également sa production littéraire. Pour trouver l’inspiration, elle compile dans des albums des cartes postales de ses œuvres préférées.

À l’occasion du 25e anniversaire de sa mort, le Musée départemental de Flandre a eu l’idée ambitieuse de consacrer une exposition à cette relation entre écriture et peinture. Fort d’un commissariat assuré par l’historienne de l’art Sandrine Vézilier et le spécialiste de  Yourcenar Achmy Halley, le projet évoque les attaches flamandes de l’écrivaine et son regard sur l’art. Une troisième partie est plus spécifiquement consacrée au lien entre les peintures et son roman L’Œuvre au noir (1968), dont l’action se déroule dans la Bruges du XVIe siècle. Grâce à des bornes numériques, le visiteur peut feuilleter les albums de la romancière. Il est ensuite invité à déambuler dans un parcours dédalique où tableaux flamands et citations de l’auteure dialoguent le long de cimaises brunes. Le lien entre image et texte est rarement direct. Il s’agit le plus souvent d’un univers visuel que l’écrivaine utilise comme terreau pour faire naître ses histoires. Faute de prêts – les commissaires reconnaissent avoir essuyé de nombreux refus – l’exposition ne présente malheureusement aucun tableau de Brueghel l’Ancien, dont Yourcenar disait se sentir si proche. De jolies œuvres de Brueghel le Jeune (Paysage d’hiver avec trappe aux oiseaux), de Van Orley ou de Van Kessel sont cependant à découvrir, ainsi qu’un petit panneau de Rubens (Les trois Grâces) qui a fait le voyage depuis le Palazzo Pitti à Florence.