PARIS
De Roger Ballen, on ne connaît souvent que ses portraits de blancs sud-africains pauvres, marginaux ou marqués par la consanguinité, un univers en soi dont les intérieurs tout aussi démunis parlent de leur condition.
Au fil des séries en noir et blanc s’est développée une esthétique de la marginalité où hommes et animaux cohabitent. Progressivement, le documentaire a laissé place à des mises en scène dans l’espace invariablement clos, brut et gris de leur espace de confinement, porteur de bribes de fables. Graffitis sur les murs, objets épars, poupées disloquées, chiens, oiseaux, chats et rats vivants ou empaillés sont devenus des éléments récurrents d’un décor où l’homme lui-même a vu son image s’incarner dans des dessins, masques ou mannequins. Un monde « ballenesque », comme l’artiste le qualifie lui-même, qui a aussi pris figure dans de vastes installations. Il s’incarne au mieux dans la Halle Saint-Pierre, le lieu préféré de Roger Ballen à Paris. « Le choix de l’artiste pour organiser sa première grande rétrospective à l’étranger n’est pas anodin : la pensée de l’art brut irrigue son travail », relève Martine Lusardy, sa directrice. « Les questions existentielles tout autant », poursuit-elle. Photographies au premier niveau et vaste installation au rez-de-chaussée s’articulent de ce point de vue à merveille, bien que la dernière série de photographies réalisées pour la première fois en couleur fasse pâle figure à côté du reste. Surtout quand on pénètre ensuite dans l’intérieur « ballenesque », monde fantastique peuplé de meubles, d’objets, de mannequins et d‘animaux empaillés chinés et de dessins, sculptures ou photographies collectionnés ou réalisés par l’artiste, indéniablement troublants.
La Halle Saint-Pierre, 2, rue Ronsard, Paris-18e, www.hallesaintpierre.org
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°727 du 1 octobre 2019, avec le titre suivant : Array