Les Musées de Strasbourg exposent au palais Rohan l’un des fleurons de leurs collections photographiques, le fonds Aguado (1827-1894), qui regroupe une grande partie des épreuves conservées de ce “grand amateur”? oublié : homme en vue dans la société photographique des années 1850, autant qu’il l’est à la cour de Napoléon III et sur les marchés boursiers et vinicoles, Olympe sait faire feu de toute novation pour dépeindre une culture et un mode de vie sans aspérités
STRASBOURG. On ne trouve pas de petits ramoneurs dans les épreuves d’Aguado (sujet quelque peu condescendant et plaisant d’un Le Secq ou d’un Charles Nègre) : c’est un constat non-critique. Familier de la cour du Second Empire, vivant de ses rentes à profusion, le comte Olympe Aguado de Las Marismas pratique la photographie, avec son frère Onésipe, et comme tant d’autres aristocrates désireux d’enfourcher les chevaux du progrès technologique. Très actif dans les années 1850, en tant que membre éminent de la Société française de photographie, peut-être à l’origine de l’idée de la carte de visite photographique, il laisse un travail d’amateur à destination privée (c’est-à-dire non commercialisé), très typique de ce que peut faire un homme rompu aux pratiques novatrices et bénéficiant du meilleur matériel disponible. Prise de vue techniquement très sûre, tirages de grande qualité – il est l’un des premiers à pratiquer des agrandissements de négatifs –, Aguado photographie ses proches, bien sûr, des groupes façon scène de genre (la partie de cartes), des acteurs, dandys ou personnalités devant de foisonnants fonds peints – dont il n’est certes pas l’inventeur –, des arbres, paysages boisés ou bords de rivière, comme beaucoup de ses collègues de cette époque et même tardivement, parfois. Mais il innove davantage en s’attaquant aux sujets animaliers (bœufs et attelages de la ferme, chien), et surtout avec un groupe familial dans lequel tous les participants sont de dos, regardant un tableau sur le mur de fond. Private joke photographique qui montre le degré de liberté d’une société pour laquelle la chambre noire est un hobby parmi d’autres (la plus étonnante épreuve de l’exposition, un buste de femme vu de dos, est malencontreusement l’œuvre du frère Onésipe). Ce louable travail de remémoration se concrétise par un beau catalogue, malheureusement émaillé d’oublis typographiques.
OLYMPE AGUADO PHOTOGRAPHE (1827-1894), jusqu’au 4 janvier, Musées de Strasbourg, Palais Rohan, Galerie Robert Heitz, tél. 03 88 52 50 00, tlj sauf mardi 10h-12h et 13h30-18h, dim. 10h-17h. Catalogue 220 p., 200 ill., coédition Musées de Strasbourg/Éditions Scheuer-Laluna.
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Le hobby privé de Monsieur le Comte
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°48 du 21 novembre 1997, avec le titre suivant : Le hobby privé de Monsieur le Comte