VALENCE / ESPAGNE
L’Ivam présente une rétrospective du collectif de designers valenciens, référence du design espagnol dans les années 1980.
Valence (Espagne). Aujourd’hui encore méconnue, La Nave a pourtant révolutionné la pratique du design en Espagne. Un récit inédit de l’histoire de ce collectif de onze designers valenciens, formé en 1984 dans leur atelier-nef (Nave) industriel de plus de 400 m2, qui donna son nom au collectif, est à découvrir à l’Ivam (Institut valencien d’art moderne).
La Nave naît de l’arrivée d’une esthétique postmoderniste dans le design. Influencés à la fois par le groupe Memphis et l’école d’Alchimia (Italie), mais aussi par des figures alors émergentes comme Philippe Starck, et animés par la volonté de dépasser le style moderniste rigide défini par la doctrine d’Adolf Loos (1970-1933), les designers ont fait preuve d’une liberté formelle novatrice dans leurs productions. « La Nave est devenue l’incarnation du design valencien, une référence pour l’émergence du design en tant qu’activité professionnelle, au-delà du design industriel », explique le co-commissaire de l’exposition Nacho Lavernia.
L’exposition se déploie entre deux langages muséographiques, alliant l’esthétique au documentaire. Sur les murs, 32 grandes photographies de 3 x 3 m magnifient les projets d’importance de La Nave, des objets et des meubles, tandis que sur de longues tables d’étude se retrouvent les documents préparatoires de ces projets et les objets eux-mêmes. La Nave est à l’origine de réalisations à grande échelle, comme le design du pavillon des Valencia Innovation Awards et celui de la signalétique touristique de l’autoroute AP-7, reliant la France au sud de l’Andalousie.
Les commissaires de l’exposition sont eux-mêmes d’anciens membres de La Nave, Nacho Lavernia et Daniel Nebot, lauréats du National Design Award respectivement en 2012 et 1995. Le collectif se composait également d’Eduardo Albors, Paco Bascuñán, José Juan Belda, Carlos Bento, Lorenzo (Quique) Company, Sandra Figuerola, Marisa Gallén, Luis González, Luis Lavernia. Ils sont des artistes, architectes et designers d’intérieur, graphiques ou de produits. « Le travail professionnel et sérieux ne doit pas être ennuyeux et frustrant », soutient La Nave dans son Manifeste (1986). Leurs interventions ne le sont certainement pas, allant de la création d’un trophée gastronomique pour la Communauté valencienne à la restauration de l’Umbracle du jardin botanique de Valence, en passant par des travaux expérimentaux tels qu’une « horloge poulpe » à l’esthétique déconcertante. « La Nave a reflété l’esprit d’innovation qu’a connu l’État espagnol dans les années 1980 dans tous les domaines, ce qui a renouvelé l’image des institutions publiques et privées », précise Daniel Nebot.
Le collectif s’est finalement dissous en 1991, alors que, paradoxalement, ils attiraient l’attention d’une clientèle internationale, en particulier en provenance du Japon et d’Italie.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°609 du 14 avril 2023, avec le titre suivant : Le graphisme novateur de La Nave