Rien de commun, a priori, entre les natures désespérément mortes de l’Espagnol Miquel Barceló et les délicatesses du Stéphannois Philippe Favier. Le premier peint comme on déterre et comme on hache, le second apprivoise le presque-rien avec délicatesse.
PARIS - Miquel Barceló a montré un certain talent pour réactiver la légende de l’artiste dans une version mondialiste, de New York à Gao en passant par le fleuve Niger. Ses écrits d’aventurier, tantôt intimistes, tantôt exaltés, ses poses à la Picasso, sa culture picturale encyclopédique lui valent une flatteuse réputation, depuis ses vrais débuts dans les années quatre-vingt. Proche de Cucchi par l’empâtement généreux qu’autorisent les techniques dites mixtes, son souci de l’éloquence fait penser à Anselm Kiefer. Mais d’autres influences, plus lointaines, convergent dans son œuvre : Wols, qu’il lui arrive de pasticher, et Beuys, notamment, dont il s’inspire directement dans de nombreux dessins. Barceló a toutes les qualités requises en fonction de l’idée que l’on peut se faire aujourd’hui de la peinture. Il opère une synthèse habile des courants majeurs du siècle avec une énergie, traduite dans de grands formats et des couleurs contrastées, qui peut épater le visiteur.
Opposition
Sauf l’âge (ils sont tous deux nés en 1957), il n’y a strictement aucun rapport entre Favier et Barceló, et leur réunion dans un même lieu est sans doute le fruit d’une intention dialectique. Favier a choisi dès le début de se démarquer de ses contemporains et a voulu prouver qu’il était encore possible de produire une œuvre qui ne ressemblerait à rien. Certaines compositions peuvent évoquer fugitivement le Martial Raysse des années soixante-dix, mais, par le soin extrême qu’il y apporte et l’humour dont il tient à ne pas se départir, il en émane un charme quelque peu désuet. La précision et la sûreté de la main, aussi, donnent tout leur prix à ses œuvres sur verre, à ses encres sérigraphiées sur carton, à ses émaux à froid, ou encore à ses minuscules papiers découpés.
Chacune à leur façon, ces expositions sont de véritables rétrospectives et en présentent tous les signes distinctifs. Outre le fait que les vignettes de Favier supportent mal une telle accumulation et que les œuvres de Barceló ne sont pas toujours de premier choix, il n’est pas certain que les artistes eux-mêmes bénéficient d’une telle célébration, dont les effets sont incertains. La lecture de la biographie de Favier dans le catalogue édifiera en tout cas le lecteur sur le souci de plus en plus fréquent de faire du jeune artiste une sorte de vieillard précoce, figé dans un corset qui n’est pas ajusté à sa taille.
MIQUEL BARCELÓ : IMPRESSIONS D’AFRIQUE, Centre Georges Pompidou, tous les jours sauf le mardi de 12h à 20h, samedi, dimanche et jours fériés de 10h à 20h ;
MIQUEL BARCELÓ et PHILIPPE FAVIER, Galerie Nationale du Jeu de Paume, tous les jours sauf le lundi de 12h à 19h, le mardi jusqu’à 21h30, samedi et dimanche de 10h à 19h, jusqu’au 28 avril
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Le grand et le petit
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°24 du 1 avril 1996, avec le titre suivant : Le grand et le petit