Collectionneur - D’emblée, le visiteur est emporté par un élan d’empathie. Comment ne pas compatir pour un homme qui doit décorer un appartement parisien de 360 m².
Et surtout, quand la personne en question est un marchand d’art et galeriste célèbre, pouvant passer des commandes à tous les ténors de la modernité. Bref, Léonce Rosenberg (1879-1947) se trouve devant des choix difficiles… Tout l’intérêt de l’exposition organisée par le Musée Picasso – où les commissaires, Juliette Pozzo, chargée d’études documentaires, et Giovanni Casini, historien de l’art, ont fait un remarquable travail de recherche – est de reconstituer cet ensemble exceptionnel, exécuté en 1928. Face à ce parcours, on ne peut s’empêcher de penser que Rosenberg a choisi de ne pas faire de choix. Ou encore, que ce dernier avait un goût d’un éclectisme étonnant… Les toiles réunies ici donnent en effet, parfois, le sentiment de se tenir loin du main stream de la modernité (voir la salle nommée « À l’écart du surréalisme »). On est désappointé face à certaines œuvres – la salle généreusement appelée « Classicisme insolent » avec son lot de batailles pathétiques de De Chirico ou encore les scènes mythologiques factices de Jean Viollier. En revanche, on se réjouit face aux tableaux de Fernand Léger et d’Alberto Savinio ou, face aux œuvres d’artistes moins connus, le peintre Georges Valmier et l’excellent sculpteur hongrois, Joseph Csaky. Comme le visiteur, Giovanni Casini s’interroge face à cette multiplicité de langages artistiques : « Comment conjuguer le cubisme tardif de Valmier, les géométries organiques d’Herbin et Léger, la robuste figuration de Rendon et Metzinger, le lyrisme cosmique d’Ozenfant et Ernst, la figuration poussée jusqu’à l’excès et au kitsch de De Chirico et de Viollier ? ». Selon lui, une réponse possible est la leçon apprise de Picasso, capable de faire coexister différents styles. Mais, peut-être, les œuvres assemblées par Rosenberg reflètent non seulement ses préférences mais aussi celles des années vingt, prises entre les avant-gardes et le retour à l’ordre. Autrement dit, le décor de l’appartement est à l’image de cet « entre-deux » de la période.
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Le goût inégal de Rosenberg
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°773 du 1 mars 2024, avec le titre suivant : Le goût inégal de Rosenberg