Le Palais de Tokyo remet au goût du jour ce mode de présentation à caractère scientifique, historique ou artistique qui s’attache au réel tout en recourant largement à l’artificiel.
Paris. Depuis leur apparition dans les musées au XIXe siècle, les dioramas ont toujours constitué un objet de fascination pour le public. La raison réside sans doute dans leur caractère intrinsèquement mimétique, tant l’illusion du réel, dans ce domaine comme dans d’autres, agit comme un aimant sur la curiosité.
Avec une exposition sobrement intitulée « Dioramas » le Palais de Tokyo, à Paris, s’intéresse à ces modes de présentation qui, à l’époque de la réalité virtuelle et autres prouesses technologiques, sentent désormais la naphtaline, tout en observant comment les artistes contemporains s’en sont emparés.
Formidable ambiguïté d’une forme
Une longue introduction historique, bienvenue, fait montre d’une certaine prouesse, tant les installations de ce type sont difficilement transportables. À défaut d’être agréable à traverser, les couloirs étant un peu étroits, elle a le mérite de rappeler que, avant de s’attacher à décrire la vie animale, le diorama inventé par Daguerre en 1822 consista en l’élaboration de tableaux animés grâce à des jeux d’éclairage ; des formes que se sont récemment réappropriées des artistes tels Armand Morin ou Jean-Paul Favand.
Mais qui dit diorama dit visées scientifiques et ethnographiques dans la description de scènes de la vie humaine ou animale… alors que l’on y présente des choses mortes, avec des objets et des animaux naturalisés dans des décors panoramiques le plus réaliste possible. C’est toute la formidable ambiguïté d’une forme dans laquelle la nature a encore un petit quelque chose de naturel mais est surtout parfaitement artificielle.
Cette dichotomie n’a pas échappé aux artistes qui, comme Robert Gober dans une magnifique série de photographies en noir et blanc réalisée face aux dioramas de l’American Museum of Natural History de New York, laisse planer le doute entre apparence réelle et effet artificiel, livrant au passage l’amorce d’une pure fiction. Fiction que l’on retrouve dans un savoureux renversement des valeurs et de l’Histoire dans un extrait du film La Planète des singes (1968, réal. F. J. Schaffner), où ce sont les hommes, ainsi mis en scène, qui sont devenus objets d’étude et de curiosité.
Mais l’autre intérêt de cette exposition, en ces lieux, est de regarder comment les artistes contemporains réunis – parmi lesquels manque inexplicablement Marcel Dzama, qui pourtant s’en est fait une belle spécialité – usent des codes et des formes du diorama pour les subvertir et les transposer, en lien avec des préoccupations plus actuelles. La plus touchante, et en même temps fort logique, réutilisation du diorama est celle de Tom Wesselmann. Une minuscule nature morte du pop artiste a été insérée dans le mur : composée entre autres d’une orange, d’un pot de fleurs et d’un cendrier posés sur une nappe à carreaux, objets dont les proportions ne sont pas cohérentes entre eux, elle renvoie, là encore, une vision biaisée du réel (Bedroom Tit Box, 1968-1970).
Si Tatiana Trouvé a réalisé ici une vaste installation évoquant un univers incertain, entre décor et lieu d’une vie possible et précaire, Cao Fei invente dans son beau film La Town (2014) une vie entière dans une ville fictive peuplée de petites figurines.
À proximité d’un rappel du travail de Georges-Henri Rivière, fondateur en 1937 du Musée des arts et traditions populaires, Sammy Baloji revient non sans grincement, dans Hunting & Collecting (« Chasser et collectionner »), sur les formes de classement opérées par les puissances coloniales. Son installation est judicieuse puisque, finalement, la problématique essentielle de cette exposition est celle d’une certaine forme de contrôle du regard et du savoir par le biais de la mise en scène et de l’illusion.
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Le diorama, un étrange objet
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 10 septembre, Palais de Tokyo, 13, av. du Président-Wilson, 75116 Paris.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°483 du 7 juillet 2017, avec le titre suivant : Le diorama, un étrange objet