VEVEY / SUISSE
Ce brillant parcours entre furie humaine, humour et beauté permet de découvrir plus de deux cent cinquante dessins et estampes du XVIIe siècle à aujourd’hui.
La diversité et la qualité des œuvres présentées est telle qu’il faudrait les 336 pages du somptueux catalogue de l’exposition pour en rendre compte de façon satisfaisante. Frédéric Pajak, commissaire de l’exposition et lui-même artiste, a su créer de stimulantes dynamiques entre dessins politiques et dessins de paysage : « Goya s’adresse à Siné, Tomi Ungerer répond à Corot, Giacometti interpelle Otto Dix, Paul Klee se confie à Martial Leiter. Le langage du dessin n’a pas de limite. » Quel bonheur de redécouvrir des œuvres qu’on aime, et de faire d’étonnantes et nombreuses découvertes ! Les dessins de Varlin (1900-1977), parus dans le petit album Israël souviens-toi ! publié à compte d’auteur en 1933, préfigurent les atrocités du régime nazi, dont le chef vient juste de parvenir au pouvoir, avec une terrifiante lucidité prémonitoire. Deux estampes de Käthe Kollwitz (1867-1945), Les Prisonniers (1908) et Danse autour de la guillotine – La carmagnole (1901), transcrivent avec force des aspérités tragiques de la comédie humaine. Huit dessins à la mine de plomb sur papier d’Anne Gorouben (née en 1959), datés de 2013-2018, portent tous le même titre : Des hommes qui dorment. Ce sont des SDF sur les trottoirs, des « hommes tombés, tellement immobiles qu’on ne les voit plus ». Plus légers, les dessins de Mix & Remix (1958-2016) et les aquarelles de Micaël (né en 1982) éclairent les yeux et l’esprit de leur mordant terriblement lucide, terriblement drôle. Et il y a de nombreux dessins de paysage, pour le rêve.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°720 du 1 février 2019, avec le titre suivant : Le dessin, lucide, rêveur, ou les deux