Dernier bastion longtemps supposé inviolable, notre identité corporelle est en pleine mutation. Alors que la chirurgie esthétique remodèle impitoyablement notre enveloppe charnelle pour la rendre plus conforme au perfectionnisme contemporain, certains artistes explorent sur eux-mêmes depuis les années 60-70 les devenirs d’un corps jugé obsolète. D’autres plus contemporains réfutent la notion de danger et s’essayent par projections virtuelles interposées à toutes sortes de déformations de l’apparence. Héritière du Body Art, Orlan se voue aujourd’hui à l’art charnel. Orchestrées comme de véritables performances retransmises par vidéo, ses interventions chirurgicales, difficilement supportables, respectent une dramaturgie rigoureuse. Le chirurgien officie en se conformant à des citations puisées au sein même de l’histoire de l’art. L’artiste, se réappropriant son visage, s’est fait greffer deux petites cornes de satyre sur le front. Stelarc travaille également à un redesign du corps. Selon lui « la chose importante maintenant, ce n’est pas la liberté d’information, mais la liberté (...) de changer et de modifier votre corps ». Après les Suspensions qui testaient à l’aide de crochets l’élasticité de sa peau, Stelarc fait appel aux technologies biomédicales des implants, aux régies vidéo et insère au creux de son estomac un robot miniature. Son souhait : un corps hybride technologique de chair et de métal. Si dans les années 60-70 les artistes se mettaient en danger afin de faire entrer le corps vivant dans les arts plastiques, on assiste aujourd’hui à une production essentiellement numérique qui vise uniquement à mettre la résistance mentale du public à rude épreuve par l’impact psychologique qu’elle suscite. Il en est ainsi des images inquiétantes de Aziz Cucher, aux corps et visages sans organes, des images insolites de Robert Gligorov. Même si certaines œuvres exposées à la galerie Navarra ont déjà été vues à Avignon ou dans d’autres expositions récentes, cette proposition de Jacques Ranc permet de cerner cette nouvelle iconographie qui s’étend à la mode et au cinéma.
PARIS, galerie Enrico Navarra, jusqu’au 15 novembre.
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Le corps, entre réappropriation et fantasmes
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°521 du 1 novembre 2000, avec le titre suivant : Le corps, entre réappropriation et fantasmes