Le Bateau-Lavoir à marseille

Les faits sont là : à partir de 1892 et pendant plus de dix ans, ceux qui ont contribué à créer l’esprit nouveau ont vécu à Montmartre. Précisément au Bateau-Lavoir, bâtiment délabré de brique et de bois, compartimenté en ateliers alignés de part et d’autre d’une sorte de coursive comportant un unique point d’eau, d’où le nom de Bateau-Lavoir donné par Max Jacob. Ainsi se présente ce haut lieu de l’art moderne, abri miraculeux pour de nombreux artistes dans la misère venus de tous horizons et dont certains ont entretenu des liens avec la Méditerranée, soit par leur origine, soit par leur séjour dans le Midi. Ceux-là sont présentés dans le cadre d’une exposition du Musée regards de Provence. Un siècle plus loin, ils cohabitent à nouveau, sur des cimaises cette fois-ci : Derain, Camoin, Van Dongen, Dufy, Braque, Maclet, Juan Gris, Herbin, Survage, Matisse, Vlaminck, Gen Paul et, bien sûr, Picasso, entouré d’artistes espagnols que l’exposition a le mérite de sortir de l’oubli. Il y eut tout d’abord son grand ami le peintre Casagemas dont la mort le marqua profondément, puis Francisco Durrio, sculpteur, orfèvre et céramiste, qui cèdera à Picasso son atelier en 1904, le peintre Iturrino, le sculpteur Gargallo, audacieux créateur de masques métalliques dont on admire une étonnante Chanteuse de cour et ce singulier Masque de Picasso. Manolo, sculpteur moyen mais médiateur hors pair, fut l’unique familier du hangar-atelier où le Maître peint en bleu « le monde supra-réel de la misère bleue », et où naîtront, en 1907, Les Demoiselles d’Avignon, œuvre capitale qui donnera au Bateau-Lavoir sa renommée planétaire.