L’autre monde de Natacha Lesueur

L’art de cette plasticienne s’articule autour du corps – modifié, tatoué – et de l’apparence, en jouant sur le registre subtil de l’ambivalence : être et paraître, familier et étranger,  fascination et répulsion, transgression et régression. Dans les salles du Musée du message biblique de Nice, à quelques pas du Paradis peint par Marc Chagall, l’artiste questionne cette fois-ci le mythe du paradis exotique lié à la Polynésie. Un mythe que les explorateurs au XVIIe ont largement répandu en associant ses rivages  à ceux de l’Éden et que les artistes ont popularisé – à l’instar de Gauguin – par des représentations pittoresques.

Un mythe réduit à des stéréotypes que la plasticienne revisite à travers des expériences lumineuses particulières – infrarouge, ultraviolet, flashs photographiques –, qui renvoient au spectateur une vision singulière de ces territoires imaginaires : végétation aux couleurs acidulées, photos superposées traitées comme des palimpsestes, visions fantasques et multicolores  d’un  paradis autre. Et le corps toujours au centre de ses recherches avec ce film hypnotique scandé par des flashs aveuglants montrant la danse effrénée d’une vahiné tout droit sortie d’un fantasme exotique ou ce  paysage de fougères devenu blanc sous l’effet des infrarouges qui fait écho à  ce vers de Chagall : « Quand la forêt se charge de neige, mon tableau semble un autre monde. »