PARIS
Qu’est-ce que la pandémie et la sédentarité forcée nous ont appris sur nos corps et nos relations sociales ? Conçue de manière collective, l’exposition « Anticorps » est une « réaction quasi épidermique à la crise sanitaire et sociale », et son ambition est politique.
Il s’agit, pour l’équipe curatoriale du Palais de Tokyo, de réunir des œuvres d’artistes qui « prennent le pouls de notre capacité à faire corps ensemble et à repenser notre façon d’habiter le monde ». Structurée en quatre « zones », l’exposition réunit des propositions hétéroclites d’artistes, jeunes pour la plupart, dont les pratiques se rejoignent dans une réflexion sur notre rapport au monde et à la collectivité, sur l’articulation de l’intime et du politique et sur nos modes de résistance. Parmi les quatre zones, la deuxième, intitulée « tactiques tactiles » est la plus engagée et la plus convaincante. Josèfa Ntjam y présente Unknown Aquazone, une œuvre produite pour l’exposition : en s’inspirant de mythologies et créatures aquatiques, elle détourne le motif de l’aquarium, qui devient alors le laboratoire de nouveaux lendemains. Son installation fait écho aux luttes queers et intersectionnelles et dialogue en ce sens avec celle, adjacente, de Tarek Lakhrissi, qui s’inspire des Guérillères, célèbre roman féministe de Monique Wittig. On découvre également des sculptures d’A.K. Burns appelant à une prise de conscience écologique, tandis que le tatouage en décalcomanie de Kevin Desbouis distribué aux visiteurs dénonce la brutalité policière. Les deux zones suivantes sont plus inégales, mais permettent néanmoins de poursuivre la réflexion. Se distinguent notamment les sculptures représentant des corps de femmes aplanis de Pauline Curnier Jardin et le film de Kate Cooper montrant les limites et travers des images générées numériquement. À travers la diversité des œuvres présentées, « Anticorps » propose des pistes pour penser un futur plus juste. En adéquation avec son propos et la situation actuelle, l’exposition se prolonge sur un site Internet dédié à la découverte des œuvres, mais également de plusieurs textes permettant de poursuivre la réflexion.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°739 du 1 décembre 2020, avec le titre suivant : L’art face à la crise