À première vue, cette exposition a tout pour mettre en joie”‰: le monde des jouets qui vient fricoter avec celui de la bande dessinée.
Trente-quatre dessinateurs du monde entier se sont en effet prêtés au jeu, en plusieurs temps. D’abord, dix-huit d’entre eux ont choisi chacun un jouet parmi les 12 000 pièces datant du xixe siècle à nos jours que comprend la collection du musée des Arts décoratifs. Celui-ci, représentation humaine ou animale, devient alors le personnage principal d’une minibande dessinée constituée de trois planches, avec ou sans bulles et en noir et blanc.
Mais à y regarder de plus près, l’histoire tourne tôt ou tard au vinaigre, et le rire devient jaune. Une petite skieuse en métal des années 1950, passée à l’encre caustique d’Anna Sommer, fait soudain pipi sur la neige et finit nue dans les bras d’un skieur, tandis qu’une poupée enceinte en plastique des années 1990 se fait maltraiter par le bébé qu’elle porte (Maman surprise de Caroline Sury). Même ce petit canard à roulettes des années 1940 n’en mène pas large. Sous le trait pourtant si doux de Renée French, il finit par se... noyer !
Avec l’OuBaPo (Ouvroir de bande dessinée potentielle), le constat est identique. Dans cet autre exercice, six auteurs ont mis en scène ces mêmes dix-huit jouets, mais dans une bande dessinée collective qui s’impose une contrainte : celle de faire se croiser à chaque fois au moins deux jouets. Chaque « strip », ou presque, finit mal. Un délice !
On aurait pu croire le regard des adultes plus indulgent envers le monde des enfants. Il n’en est rien. À preuve : ces quatre vitrines qui accueillent chacune un « univers personnel ». Hormis l’installation de Benoît Jacques, indubitablement « aérienne » car constituée d’une multitude de « jouets volants » (oiseaux, avions... ), les autres s’avèrent plutôt inquiétantes : de ces poupées de la fin du xixe siècle déshabillées et dissimulées derrière des masques dégoulinants (Blanquet) à la chambre de ce garnement de Jimmy, avec sa collection de jouets mochards qu’il a remisés dans un carton siglé « pour les pauvres » (Winshluss, Cizo et Felder).
Les dessinateurs contemporains seraient-ils cruels ? Le monde des jouets, lui, en tout cas, est sans doute moins merveilleux qu’on ne le pense !
Voir « Toy Comix », musée des Arts décoratifs, galerie des enfants, 107, rue de Rivoli Paris Ier, tél. 01 44 55 57 50, jusqu’au 9 mars 2008.
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La tragédie des jouets
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°599 du 1 février 2008, avec le titre suivant : La tragédie des jouets