Art contemporain

PRATIQUES URBAINES ET ARCHITECTURE

La topographie saisie par le skate

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 20 septembre 2017 - 534 mots

PARIS

Bordeaux. Le skate est, sans doute, l’une des pratiques qui permet de disséquer la ville, d’ausculter à l’envi ses moindres rebords, plis, vides et périphéries.

En témoigne cette exposition du Centre d’architecture Arc en rêve, à Bordeaux, intitulée « Landskating anywhere » et qui mêle photographies, plans, maquettes, objets, livres et films.

Pour entrer de plain-pied dans l’univers de la planche à roulettes, rien de mieux que le passionnant film de l’artiste – et skateur – Raphaël Zarka, Topographie anecdotée du skateboard (2008, 40 min), montage d’extraits présentant différentes générations de skateurs dans leur quête de terrains (de jeu). Le postulat des organisateurs est clair : « La ville est un ensemble de lignes et de formes susceptibles d’être réactivées par le mouvement. » Suit une sélection d’archives – photographies, revues, dessins… –, datées de 1960 à 2000, qui évoquent la genèse de cette pratique. Une photographie étonnante datant de 1987 montre ainsi le Bordelais Vincent Cassarangue, dit « Biloo », en pleine action sur fond d’immeubles du quartier Mériadeck, miroir de l’urbanisme des années 1970.

« Le skate est un phénomène profondément urbain, souligne Michel Jacques, directeur artistique d’Arc en rêve et co-commissaire de l’exposition. [Il] est certes, souvent, un terrain de conflit avec les habitants, mais surtout une manière singulière d’aborder la ville. » Ce rapport à la ville est abordé à travers une dizaine de skateparks récents, choisis « pour leurs qualités architecturales et urbaines remarquables ». Ainsi du Miyashita Park, à Tokyo, conçu par le fameux duo d’architectes Atelier Bow-Wow (2011), dont on peut voir, ici, une monumentale axonométrie. L’espace d’évolution est lui-même entièrement intégré à une vaste parcelle de 14 000 m2. À Barcelone, aux abords de la plage de Marbella, la « piste » des skateurs imaginée par l’agence SCOB (2014) devient un « flux » urbain comme un autre. La topographie de béton qui inclut diverses configurations – snake run, bowls, volcan… – tend à épouser le tracé du chemin piétonnier en direction de la mer.
 

Glisser sur une œuvre d’art

Le patrimoine industriel est aussi mis à contribution. Signé en 2011 par l’architecte finlandais Janne Saario, le Steel Park de Lulea (Suède), comme son nom l’indique, a été réalisé à partir de pièces en acier issues de l’ancienne usine sidérurgique située à proximité. La skatepark de Luxembourg, blotti au pied d’une fortification de Vauban, est quant à lui devenu, grâce à la patte habile de l’agence Constructo (2016), une vaste place publique, un nouveau lieu de rencontre inattendu. Autre terrain insolite : une œuvre d’art. Sur une prairie de l’île de Vassivière, dans le Limousin, les skateurs évoluent à l’intérieur d’Otro, pièce que l’artiste coréenne Koo Jeong-a a réalisée avec la coopérative d’architectes belge L’Escaut. On peut voir une maquette et des photographies du chantier. Le parcours dans cette nappe de béton ovoïde habillée d’un vert phosphorescent est, paraît-il, plutôt corsé.

Fins arpenteurs de l’espace public, les skateurs n’hésitent pourtant pas à s’exiler hors des murs de la ville. Dans leur film Swiss Banks, cinq Helvètes sillonnent les Alpes suisses à la recherche de lieux aussi improbables qu’extrêmes : un ancien bunker de montagne, les flancs d’un barrage, le toit d’un train… De ces situations spectaculaires sourd une indéniable liberté… et des images à couper le souffle !

 

 

Landskating anywhere,
jusqu’au 15 octobre, Centre d’architecture Arc en rêve, 7, rue Ferrère, 33000 Bordeaux.

 

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°485 du 22 septembre 2017, avec le titre suivant : La topographie saisie par le skate

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