Dans les années 1960, Marc Chagall s’installe dans le sud de la France. Artiste complet, curieux de toutes les disciplines artistiques, aimant les relations qu’il instaure avec les artisans, il s’initie à la céramique, au vitrail, à la sculpture, la mosaïque.
Puis un autre champ d’application s’ouvre à lui quand il rencontre Yvette Cauquil-Prince, licière d’origine belge, connue pour ses interprétations de cartons de tapisseries d’artistes du XXe siècle : Matta, Ernst, Klee, Kandinsky, Picasso… Elle propose à Chagall de transposer en tapisserie La Famille d’Arlequin qui prend pour modèle une lithographie originale. Fasciné par le résultat, il en fera son maître d’œuvre durant plus de vingt ans. Dans ce cas précis, tout se passe comme si Chagall était « le compositeur et la licière la musicienne ». Une musicienne aux mains expertes qui ne se limite pas à la simple reproduction d’un modèle mais propose « par le changement de médium et de format une autre lecture de l’œuvre de Chagall ». Tout en respectant les valeurs chromatiques du modèle original, la licière traduit avec une stupéfiante habileté les compositions picturales de l’artiste. Elle dispose d’un certain nombre de points qu’elle compose à l’infini, tout comme un musicien avec sa gamme de notes. Pour rendre les effets de peinture, elle utilise des laines intenses de différentes épaisseurs, elle les tisse en aplat ou en chiné, oriente ses points différemment pour rappeler les coups de pinceau, hausse les tons pour incruster la lumière. Son approche de la matière est puissante, physique, presque brutale. L’espace est dense, les contrastes marqués, les volumes charnus. Cet art de liberté est à l’opposé de l’art savant, traditionnel des Gobelins auxquels Chagall avait confié l’exécution de ses toutes premières tapisseries : trois pièces monumentales destinées au hall de la Knesset et la tapisserie d’accueil du futur Musée Chagall, Paysage méditerranéen. Cette pièce se confronte aux douze tapisseries d’Yvette Cauquil-Prince présentées avec les douze gouaches originales de Chagall. Fluidité, évanescence pour l’une, puissance, intensité colorée pour les autres : voilà une exposition qui permet d’apprécier la richesse de l’œuvre de l’artiste pour le trentième anniversaire du musée.
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La peinture, de fil en fil
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Abonnez-vous dès 1 €Musée national Marc Chagall, Nice (06), www.musee-chagall.fr
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°680 du 1 juin 2015, avec le titre suivant : La peinture, de fil en fil