La peinture aux sources des opéras de Chéreau

Le 23 juin 1975, le peintre Jean-Baptiste Chéreau finit un fusain et pastel qui, exposé dans la douce lumière de la Bibliothèque-Musée de l’Opéra de Paris en 2017, est sans doute la clé pour comprendre l’importance primordiale de l’art pictural dans l’approche de l’opéra du metteur en scène, Patrice, son fils : « J’ai tout appris avec cet homme-là, il m’a appris à regarder la peinture […]. Elle a été mon école, mon professeur et ma nourriture. »

À travers un parcours remarquablement approfondi malgré un format concis, se déploie le rapport ambivalent qu’entretenait Chéreau à l’opéra, entre passion et défiance, mais aussi le recours à Brueghel, Goya, Böcklin, Mondrian ou encore Rembrandt à travers des références tantôt lisibles sur des notes de travail, tantôt illustrées par de pertinentes mises en regard faites par les deux commissaires, Sarah Barbedette et Pénélope Driant. Les références picturales de ses notes côtoient ses croquis, mais aussi les aquarelles, pastels, dessins et surtout les maquettes de Richard Peduzzi, son scénographe durant près de quarante ans, qui en a prêté plusieurs pour l’occasion.

L’exposition montre combien l’inspiration de Chéreau prend forme à travers la référence à la peinture, mais aussi la photographie. Ainsi, ces fous photographiés dans des asiles par Raymond Depardon l’inspirent pour Wozzeck d’Alban Berg, en 1992. En retour, certains chefs d’orchestre s’expriment par cette même métaphore picturale comme Pierre Boulez, qui, après la première de Wozzeck, note une similarité des personnages avec Daumier, alors qu’il aurait davantage pensé à Goya.