PARIS - Chaque année, le Musée Dapper concocte pour ses visiteurs un parcours autour d’une large thématique pour dévoiler un nouveau pan de ses collections.
Après « Les femmes dans les arts d’Afrique », « L’art d’être un homme » et « Angola, figures du pouvoir », l’institution parisienne a construit des passerelles entre les rituels que constituent, d’une part, les sorties de masques en Afrique subsaharienne et, d’autre part, les carnavals organisés dans les Caraïbes. Cette proposition rassemble une centaine de pièces, parmi lesquelles figurent divers prêts issus de collections particulières ou d’institutions publiques tels le Musée royal de l’Afrique centrale de Tervuren (Belgique) et le Quai Branly à Paris. Outre « le partage de valeurs communes », « les mascarades de même que les carnavals mettent en place des manières spécifiques d’appréhender le réel, de le subvertir et d’agir sur les comportements des individus. À travers les costumes se disent les relations avec d’autres êtres et avec l’univers », précise dans le catalogue Christiane Falgayrettes-Leveau, directrice du musée et commissaire de la manifestation. Au premier abord, les deux aires géographiques sont traitées distinctement : au rez-de-chaussée, se trouvent réunis les masques africains, exécutés en bois et en vannerie, ainsi que des costumes en fibres, plumes, ornés de perles ou de métal ; au premier étage, les œuvres caribéennes, des costumes en feuilles de bananiers séchées, en lambeaux de papier journal et divers matériaux ainsi qu’un grand assemblage figurant la Nature en crise, réalisé par l’artiste Hervé Beuze pour le musée. À bien y regarder, le parcours tisse des liens subtils entre les deux séries d’œuvres. Les racines d’Afrique subsaharienne se retrouvent dans certains des costumes, gestuelles et musiques des Caraïbes, ainsi que dans des évocations de l’esclavage. Discrètement diffusés au sein des espaces d’exposition, des films documentaires témoignent de la fonction initiale des œuvres, à l’image des mises en scène de masques africains. Une manière de rappeler qu’ils ont été réalisés pour être sortis lors de rituels ou cérémonies publiques, et non pour être présentés, comme aujourd’hui, dans des vitrines où ils ont été sélectionnés pour leurs qualités esthétiques. La sortie des masques représente, en effet, un véritable événement. Certains sont particulièrement craints et respectés. C’est le cas des egungun yoruba (Nigeria) qui matérialisent différents esprits ou grands principes, comme le souligne l’anthropologue Jean-Paul Colleyn, dans un des essais du catalogue. L’efficacité de ce masque tient à ses couleurs vives et attributs – en témoignent les deux exemplaires ici présentés – mais aussi aux chants et danses qui l’accompagnent, aux rythmes de battement de tambours et du mouvement de la foule. Tous ces éléments demeurent essentiels pour comprendre l’esprit de ces œuvres conçues de part et d’autre de l’Océan Atlantique et réunies aujourd’hui pour former un défilé aux multiples symboles.
Commissaire : Christiane Falgayrette-Leveau, directeur du Musée Dapper
Conseillers scientifiques : Michel Agier, ethnologue et anthropologue, directeur de recherche à l’IRD et directeur d’études à l’EHESS, et Marie-Denise Grangenois, enseignante
Jusqu’au 15 juillet, Musée Dapper, 35 bis rue Paul Valéry, 75116 Paris, tlj sauf mardi et jeudi, 11h-19h, tél. 01 45 00 91 75, www.dapper.com.fr. Catalogue, 324 p., 33 euros
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La parade des esprits
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°362 du 3 février 2012, avec le titre suivant : La parade des esprits