Marseille donne à voir les travaux des quinze photographes sollicités dans le cadre de la commande publique lancée en 2016.
Marseille. En 2016, la ministre de la Culture Audrey Azoulay lançait une commande publique sur la jeunesse en France. En 2000 déjà, la commande intitulée « Le plus bel âge » avait été réalisée sur le même thème. Après une première présentation succincte à la villa Pérochon à Niort (Deux-Sèvres) en avril 2017, puis une exposition complète des séries au festival ImageSingulières à Sète (Hérault), et divers accrochages dans les gares SNCF, c’est au tour de la Friche la Belle-de-Mai à Marseille d’accueillir l’ensemble des travaux des quinze photographes sollicités pour « Jeunes-Générations ». Présentée dans le cadre de la saison culturelle « MP 2018 Quel amour ! », cette commande, pilotée par le Centre national des arts plastiques (Cnap), trouve en ces vastes espaces une résonance particulière. Et c’est à Erick Gudimard, directeur artistique du Centre photographique de Marseille, que Pascal Beausse, responsable de la collection de photographies du Cnap, s’est adressé pour signer ce nouvel accrochage. Le Centre photographique de Marseille, qui devrait rouvrir à Marseille dans un bâtiment rénové à l’automne 2018, est l’acteur local de référence dans le soutien à la création photographique et à l’éducation à l’image.
Libre de disposer de ces travaux réalisés par des auteurs de générations différentes et aux parcours très diversifiés, Erick Gudimard a composé une lecture où ressort la très grande qualité et profonde justesse de chaque série dans leur diversité. Les dialogues créés entre elles font entendre les voix de jeunes aux prise avec leur âge, leur situation et leur époque, des voix par essence complexes, incertaines et fragiles.
Connues pour la teneur percutante de leur propos, les explorations de Myr Muratet sur les survivances précaires improvisées au nord de Paris et de sa proche banlieue offrent de nouveaux portraits de jeunes migrants ou de Roms. Aussi, des vues de bidonvilles sont mêlées à des tirages plus anciens relatant des situations similaires d’attente, de survie et d’installations de campement entravées ou interdites. Le spectateur n’échappe pas à ces scènes de rue tirées en grand format pas plus qu’il ne déserte le récit délié de Lola Reboud sur Antonia, 17 ans, rencontrée dix ans plus tôt dans son village de montagne : chaque week-end la jeune fille revient pour s’occuper de ses chevaux et retrouver Anthony et Francescu, lequel aux jeux vidéo préfère la chasse aux grives.
Le face-à-face de jeunes Kanaks portraitisés par Patrice Terraz et d’élèves d’un lycée agricole du Pas-de-Calais confronte quant à lui deux réalités difficiles où les membres de chaque groupe tentent de se construire avant tout au présent. La jeunesse bigoudène de Stéphane Lavoué revendique elle aussi son choix de rester au pays. Ailleurs, l’association des photographies d’Alexandra Pouzet et des textes de Bruno Almosnino composés à partir de questions posées à de jeunes ruraux du Lot et de l’Aveyron distille une poétique suspendue à un clair-obscur porté là par le souffle d’une nature et d’un monde animal.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°497 du 16 mars 2018, avec le titre suivant : La jeunesse se raconte