Le musée consacré à l’artiste détaille le processus créatif de son monument aux morts de Montauban.
PARIS - À l’image de son maître et ami, Rodin, et de sa Porte de l’Enfer, le sculpteur Antoine Bourdelle (1861-1929) a travaillé de longues années à un monument public, pour sa ville natale de Montauban (Tarn-et-Garonne). Les deux musées parisiens consacrés à chacun de ces artistes présentent au même moment une exposition sur ces commandes majeures (lire le JdA no 467, 11 nov. 2016). Ces manifestations diffèrent cependant en deux points. L’exposition axée sur le Monument aux combattants et serviteurs du Tarn-et-Garonne de 1870-1871 signé Bourdelle montre plus de photographies que de sculptures. Et, si le visiteur peut voir La Porte de l’Enfer au Musée Rodin, il ne peut qu’imaginer ce qu’est réellement le monument des Combattants, car aucune maquette de l’état final n’est présentée au Musée Bourdelle.
La dernière épouse d’Antoine Bourdelle et leur fille, Rhodia, avaient pourtant souhaité que l’institution possède un moulage des « Combattants ». Mais l’œuvre est complexe, pleine de vides et donc rétive à la reproduction. Les plâtres qui ont servi à couler le bronze de Montauban ont disparu. Quant au film commandé par le Musée Bourdelle au plasticien Olivier Dollinger (2016), c’est une œuvre, par ailleurs magnifique, et non un documentaire. Seule de rares photos et cartes postales d’époque permettent donc au visiteur de se faire une idée de la composition finale.
C’est plutôt à un cheminement à travers le temps et le travail créatif de Bourdelle que l’on est convié, jusqu’en 1902, date à laquelle fut livrée la sculpture. Tout commence par le concours organisé, en 1895, pour l’édification d’un monument à la mémoire des combattants montalbanais de la guerre de 1870 et ouvert en avril aux artistes originaires du Tarn-et-Garonne ou y résidant. Dans le jury figurent trois proches de Bourdelle : son projet, montrant un soldat brandissant un drapeau, est retenu en août. À l’entrée de l’exposition, on peut voir une photo de la maquette (disparue) présentée au jury ainsi que les projets des trois autres concurrents, plus classiques dans leur composition. Un travail de sept ans commence alors pour le sculpteur, documenté par de nombreux plâtres et bronzes conservés par le musée, ainsi qu’un rare ensemble de terres crues que l’artiste s’est employé à préserver malgré leur extrême fragilité.
Un parcours chrono-thématique
L’exposition est divisée en six sections, à la fois chronologiques et thématiques. La première montre que, très vite, le projet a évolué dans l’esprit du sculpteur, puisqu’une maquette de bronze de 1895 présente déjà une figure de femme nue agitant un drapeau. Les influences exercées sur l’artiste par Rude, Carpeaux et surtout Rodin, pour lequel il travaille encore à cette époque-là, sont évoquées ici.
En accédant au sous-sol de l’« extension Portzamparc » du musée, le visiteur passe à la hauteur du Dragon sur rocher, une étude de 1897 pour l’une des quatre figures définitives du monument : le Grand Guerrier, le Dragon cuirassier, le Guerrier mourant et La France. On peut suivre pas à pas l’évolution de ces personnages, le visage du dragon cuirassier dérivant du portrait d’une proche de Bourdelle, Henriette Vaisse-Cibiel, tandis que La France tient ses traits de sa première épouse, Stéphanie, et son corps robuste du modèle Angèle. Une section consacrée à « La Rage de l’expression » (mains torturées, visages hurlant) mène le visiteur au plus près du travail du sculpteur, justifiant le titre de l’exposition. L’importance de son œuvre photographique apparaît là, utilisée pour la recension des étapes de la création et l’étude de la lumière sur les sculptures, avant de constituer un travail à part entière sur le cadrage, la composition, l’éclairage. Ainsi, Coin d’atelier de nuit (1899) traduit l’obsession qu’est devenue pour Bourdelle la conception du monument. D’autres photographies complètent cet aspect du travail du sculpteur, tels les autoportraits le montrant juché dans son œuvre et réalisés pour sa femme demeurée loin de lui lors du coulage du bronze.
Commissaires : Chloë Théault, conservatrice du patrimoine ; Colin Lemoine, responsable du fonds de sculptures, Musée Bourdelle
Nombre d’œuvres : 186
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
La guerre selon Bourdelle
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 29 janvier 2017, Musée Bourdelle, 18, rue Antoine-Bourdelle, 75015 Paris, tlj sauf lundi, 10h-18h, www.bourdelle.paris.fr, entrée 9 €. Catalogue, éd. Le Passage, 35 €
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°469 du 9 décembre 2016, avec le titre suivant : La guerre selon Bourdelle