PARIS
Le Petit Palais, à Paris, propose la première exposition monographique d’un sculpteur trop longtemps méconnu.
PARIS - Dans le portrait de famille Dalou, sa femme et sa fille que signe Lawrence Alma-Tadema en 1876, Jules Dalou (1838-1902) ne fait que passer une tête discrète derrière sa femme et sa fille. La famille Dalou est alors en exil à Londres, depuis la condamnation du sculpteur aux travaux forcés à perpétuité pour participation à l’insurrection communarde. Elle y restera jusqu’en 1879, date à laquelle la carrière de Dalou prend un tournant décisif. Le peintre britannique a, semble-t-il, parfaitement saisi l’humilité ambivalente de cet « artiste secret qui ne voulait exister que par son art ». Si le grand public est familier de son Triomphe de la République, sculpture monumentale régulièrement chevauchée par des participants lors des manifestations place de la Nation à Paris, le nom de Jules Dalou est loin de résonner aussi fort que celui de son contemporain, Auguste Rodin. Au jardin du Luxembourg, à Paris, le Monument à Delacroix, devant lequel les étudiants se retrouvent, ou encore le puissant Triomphe de Silène, sont tout aussi familières du public. Avec cette première exposition monographique organisée depuis plus d’un siècle, le Petit Palais remet aujourd’hui un nom sur cet œuvre anonyme pour le grand public mais qui fut reçu avec les plus grands honneurs en son temps.
À l’origine de cette exposition figure la publication du catalogue des sculptures de Dalou (368 numéros) dans les collections du Petit Palais – en 1905, soit trois ans après la mort du sculpteur, la Ville de Paris s’était portée acquéreur de son fonds d’atelier. L’immense travail abattu par Amélie Simier, partie diriger les musées Zadkine et Bourdelle, assistée de Marine Kisiel, doctorante en histoire de l’art, trouve ici un bel écho.
Belle dextérité
Dense et peu avare en information, la présentation aborde tous les aspects de l’œuvre avec une grande clarté. S’il consacre une salle au sculpteur dans son parcours permanent depuis sa réouverture en 2005, le musée trouve aujourd’hui l’occasion d’exposer in extenso les séries de morceaux préparatoires, les œuvres d’apprentissage et autres esquisses qui donnent une nouvelle dimension aux pièces finales. Dalou fait preuve d’une belle dextérité lorsqu’il réalise des groupes intimes d’inspiration réaliste, resserrés sur la figure de la mère donnant le sein, des commandes pour une clientèle friande de pièces mythologiques ou décoratives inspirées du XVIIIe. Mais aussi des portraits, qui constituent le tiers de son œuvre. Le talent du sculpteur révèle son ampleur dans les sujets politiques et sociaux qui lui tiennent à cœur. Tous les monuments, réalisés ou restés au stade de projet, sont ici évoqués et leur histoire respective, relatée.
Œuvre d’ambition magistrale, le Monument aux ouvriers sur lequel il travaille à la fin de sa vie est resté au stade de l’esquisse. La vitrine renfermant une multitude d’études en terre cuite représentant des ouvriers à la tâche en est d’autant plus émouvante. Enfin, prêté à titre exceptionnel par le Sénat et le Musée d’Orsay, le Triomphe de Silène trouve une place de choix en fin du parcours. Modèle de puissance et d’équilibre des figures, l’œuvre confirme que Dalou mérite de figurer au panthéon des sculpteurs de la fin du XIXe siècle.
Le réseau des musées de la Ville de Paris a uni ses forces pour doubler la rétrospective du Petit Palais d’une présentation au Musée Cognac-Jay. Une trentaine de terres cuites, plâtres et bronzes signés Jules Dalou, issus des collections du Petit Palais et du Musée Carnavalet, sont mis en regard des collections permanentes du musée du Marais. Les œuvres intimistes néo-Louis XV du sculpteur, très en vogue auprès d’une clientèle aisée de la fin du XIXe, prennent un relief particulier devant celles qui les ont inspirées.
« Dalou, regards sur le XVIIIe siècle », Musée Cognac-Jay, musée du XVIIIe siècle de la Ville de Paris, 8, rue Elzévir, 75003 Paris, tél. 01 40 27 07 21. Jusqu’au 13 juillet.
Commissaires : Amélie Simier, conservatrice en chef et directrice des musées Bourdelle et Zadkine, à Paris ; Cécilie Champy-Vinas, conservatrice du patrimoine au Petit Palais
Scénographie : Agence Jean-Michel Rousseau
Aimé-Jules Dalou, Le Grand Paysan, vers 1899, plâtre patiné, 195 x 67 x 65 cm, Musée du Petit Palais, Paris - © Photo Fr. Cochennec et E. Emo/Petit Palais/Roger-Viollet.
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À la gloire de Jules Dalou
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 13 juillet, Petit Palais, Musée des beaux-arts de la Ville de Paris, av. Winston-Churchill, 75008 Paris, tél. 01 53 43 40 00, www.petitpalais.paris.fr, tlj sauf lundi, 10h-18h, 10h-20h le jeudi. Catalogue, éd. Paris Musées, 472 p., 69 €.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°393 du 7 juin 2013, avec le titre suivant : À la gloire de Jules Dalou