La figuration d’aujourd’hui à Yerres

Yerres, Essonne. Guy Boyer aime les artistes. C’est probablement la raison principale qui a incité le commissaire de l’exposition « 2023. Figurations, un autre art d’aujourd’hui » à réunir une cinquantaine d’entre eux, avec comme seul point commun la pratique de la peinture figurative. Une exposition manifeste ? Pas vraiment, car depuis un moment cette forme de représentation a fait son retour. Il s’agit plutôt de montrer des coups de cœur pour les créateurs peu ou mal représentés dans les institutions muséales.

Le parcours thématique s’ouvre sur une découverte majeure pour le public français, Le Rideau d’Eldeer (1979), un paysage vu à travers une fenêtre d’Andrew Wyeth, dont Christina’s World (1948) est l’une des images iconiques américaines. Puis, plusieurs œuvres traitent de l’espace intérieur, essentiellement celui de l’atelier. Cet univers secret est décliné en plusieurs versions. Avec Jacques Truphémus, la figure de l’artiste s’estompe dans la blancheur qui envahit le lieu ; il ne reste que la trace d’un passage (Autoportrait devant la verrière, 1993). Chez Pierre Lesieur, les motifs sur le tapis qui recouvre le sol ou sur le paravent situé en arrière-plan et le petit chien au centre de la toile, font oublier l’absence du peintre. Pour Avigdor Arikha, l’autoportrait et l’atelier ne font qu’un : tantôt l’homme occupe entièrement l’espace, tantôt il est réduit à un reflet à peine visible dans un miroir, dans l’énigmatique Intérieur d’atelier avec miroir (1987).

Ailleurs, c’est la nature qui domine. La figuration se fait suggestion avec les paysages de rêve d’Anna Metz, (Bosquet, 2018-2019) ou ceux, baignés d’une lumière entre chien et loup, de Marian Plug (Sans titre III, 2008). Nature domestiquée, toutefois, car même les denses « forêts » de philodendrons, réalisés par Sam Szafran, un des artistes phares présentés à l’Espace Caillebotte, ne s’éloignent jamais de son atelier. L’œil y pénètre dans des espaces intérieurs ou extérieurs, on ne sait.

C’est en vain que l’on cherchera ici des récits ou des anecdotes. Même la jeune génération – six femmes et six hommes – dont les œuvres sont présentées en alternance pendant toute la durée de l’exposition ne raconte pas des histoires. La figuration contemporaine a fait le choix du silence.