La délicatesse de Füsun Onur

Son œuvre, que l’on peut enfin voir en Europe à travers cette rétrospective est pourtant nourrie de références au passé. À l’image du décor de la maison familiale où elle vécut, au bord du Bosphore, avec sa sœur, muse et collaboratrice, décédée en 2022. Le parcours du musée retrace celui de l’artiste, née à Istanbul en 1937. Après cinq années aux États-Unis, où elle étudie à Washington, son travail, de retour en Turquie, sera d’abord jugé trop raide par la critique locale. Ses sculptures sont en effet marquées par l’influence du minimalisme américain, tandis que ses dessins sont dans le droit fil d’une abstraction radicale (Dividing Space on a White Sheet of Paper, 1965). Mais c’est avec sensibilité et humour que sa démarche se poursuit et qu’elle nous touche aujourd’hui. Ainsi de l’installation Opus II Fantasia, (2001) déployée au sol comme une partition d’aiguilles à tricoter et de pelotes dorées, que l’on parcourt à la façon d’une marelle conceptuelle. L’enfance n’a jamais quitté, semble-t-il, cette artiste au caractère affirmé mais dont les œuvres privilégient une certaine modestie. Dans le choix des matériaux notamment, ainsi que dans le format des pièces. Once Upon a Time, installation conçue pour le pavillon turc de la Biennale de Venise en 2022, présentée en fin de parcours, met ainsi en scène sur des socles bas de graciles sculptures en fil de fer comme autant de saynètes d’un conte de fées. Un théâtre de peu qui dit beaucoup d’une forme de résilience poétique.