Matières - Un « troubadour qui chante pour son peuple… » Ainsi se décrivait Antoni Tàpies (1923-2012), dont Bozar célèbre le centenaire de la naissance.
Aujourd’hui, ce peintre, qui connut la violence de la dictature franquiste comme il fut témoin de la Seconde Guerre mondiale, chante pour nous, à travers quelque 120 œuvres exposées dans le musée bruxellois. Sa magnifique rétrospective s’ouvre sur ses premiers dessins et autoportraits, ses tableaux aux accents surréalistes, clins d’œil à Miró, Ernst et Klee. Mais, bientôt, passé les œuvres de jeunesse, ces miroirs, ces fenêtres sur le monde disparaissent : nous voici face à des murs épais, ocre, blancs, noirs, gris, marqués de graffitis, d’impacts de balles. Désormais, Tàpies insuffle l’âme dans la matière. Sur ses toiles, il incorpore des poils, des bouts de ficelle, des papiers qu’il recueille pour les « sauver de l’abandon, de la fatigue, de la déchirure, de la marque du pas de l’homme et de celle du temps », observait le critique Jacques Dupin. Une pauvre chemise rouge, suspendue à une corde dans un cadre noir, raconte la torture et la mise à mort d’un jeune Catalan en 1940, sous Franco. Avec douleur, amour et humour, la matière de Tàpies parle de la chair – un pied, une aisselle, un bourrelet, un sexe, une empreinte qui semble celle d’un papillon d’or et se révèle celle d’un anus couleur d’excrément –, comme elle porte aussi en elle l’esprit, que l’on cherche sur un linge blanc, une croix ou des mots évoquant les nobles vérités du Bouddha. Chronologique, le parcours retrace les évolutions de l’artiste, dans son exploration des propriétés du matériau comme dans ses préoccupations politiques, spirituelles et existentielles. Elle s’achève par une série de 56 dessins, adressés à son épouse Teresa, chansons d’amour d’un vieux troubadour. À noter, une exposition solo de l’artiste est également organisée à la Galerie Lelong à Paris, à partir du 23 novembre 2024.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
La chair d’un troubadour
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°769 du 1 novembre 2023, avec le titre suivant : La chair d’un troubadour