Le Musée d’art moderne et contemporain (Mamco) de Genève organise la première rétrospective de Martin Kippenberger, décédé le 7 mars à l’âge de quarante-quatre ans. L’exposition met en lumière la force d’une création protéiforme, inclassable et critique, de l’artiste allemand, qui avait été invité à participer à la Documenta X de Cassel et au Skulpturprojekt Münster 1997.
GENÈVE. De grandes peintures dans la veine des néo-impressionnistes allemands des années quatre-vingt, des dessins sur des feuilles à en-tête d’hôtels, des projets d’architecture pour le Museum of Modern Art Syros, des sculptures ou des installations réalisées avec des objets de la vie quotidienne, plus de trois cent cinquante pièces de Martin Kippenberger ont envahi trois des cinq niveaux que compte le Mamco de Genève. Une vaste occupation de terrain, fidèle à l’esprit et à la démarche de cet artiste touche-à-tout, tour à tour manager d’un groupe de rock, "Les Grugas", programmateur d’un lieu alternatif berlinois, Kreuzberg SO 36, avant d’être apprenti acteur de cinéma à Florence, écrivain à Paris, puis artiste nomade. À son père qui l’enjoignait dans sa jeunesse de "trouver son style", Kippenberger avait répondu par son exact contraire, en prenant le contre-pied de cette notion dans un esprit de contradiction propre aux adolescents. De style, il est en effet bien difficile de parler face à une production aussi diffuse et diverse. "Martin Kippenberger" se décline ainsi invariablement sur les cartels de centaines d’œuvres, qui semblent pourtant avoir été exécutées par des mains très différentes, dans une volonté réitérée de diffusion de son propre nom. Avec la même cohérence, l’artiste a multiplié les publications, et plus de cent vingt de ses livres sont présentés à Genève.
Un artiste inclassable
Dans l’Allemagne de la fin des années soixante-dix, Kippenberger a répliqué au mysticisme par le cynisme, à la création qui se prend au sérieux par une dérision décapante. Ses sculptures sont le produit d’assemblages étonnants d’objets disparates, tandis qu’il a développé une véritable fascination pour le lampadaire urbain, décliné ici sous de multiples formes. Sa peinture notamment, témoigne d’une formidable énergie qui s’exprime sans nuance. Les accès de violence incontrôlable de l’artiste, souvent sous l’effet de l’alcool, se retrouvent dans ses grandes compositions nerveuses, ses jaillissements de couleurs qui défient le bon goût. Kippenberger naviguait encore entre problème pertinent et provocation, quand cette sobre question fut inscrite sur l’un de ses cartons d’invitation : "Quelle est votre minorité préférée ?" L’exposition du Mamco, qu’il a lui-même conçu en grande partie avant de s’éteindre quelques jours après son inauguration, laisse apparaître un artiste inclassable et étonnamment prolifique, généreux et drôle.
MARTIN KIPPENBERGER RESPEKTIVE 1997-1976, jusqu’au 14 septembre, Musée d’art moderne et contemporain, 10 rue des Vieux-Grenadiers, 1205 Genève, tél. 22 320 61 22, tlj sauf lundi 12h-18h, mardi 12h-21h. Livre édité et conçu par l’artiste et Daniel Baumann, 96 p., 30 FS.
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Kippenberger
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°35 du 4 avril 1997, avec le titre suivant : Kippenberger