Jeff Wall est une figure majeure de l’histoire de la photographie par les bouleversements qu’il a introduits dans la manière d’envisager et de pratiquer le médium.
La visite d’« Appearance » ne laisse aucun doute. Ce panorama en vingt-sept photographies grand format est l’un des plus exaltants qu’il ait été donné de voir en Europe depuis la rétrospective de la Tate Modern en 2005 par ce qu’elle donne justement à voir, ou à revoir, mais aussi à comprendre de l’œuvre et de son auteur de manière claire et concise. Depuis l’emblématique Picture for Women (1979), pièce la plus ancienne de Jeff Wall ici exposée, quarante années de création s’articulent entre pièces iconiques, peu montrées ou inédites, telle l’énigmatique Changing Room de 2014 montrant, vue du miroir d’une cabine d’essayage, une femme au visage et au buste recouverts par l’essayage d’une robe sur une autre robe de la boutique. Pas une photographie de Jeff Wall qui ne cristallise une situation ambiguë ou étrange dans la mise en scène de son ou de ses personnages et de ses « micro détails ». Qu’elle soit tirée sur papier ou présentée sur caisson lumineux, chacune est la traduction d’une vision mentale issue d’un rêve, d’une lecture, d’un tableau ou d’un vécu de l’artiste, et convoque une autonomie en propre. Chacune recèle aussi une part de violence contenue. Le choix et l’articulation des pièces font particulièrement ressentir cette dernière, l’exposition ayant été élaborée en collaboration avec l’artiste canadien. Quant au double sens du titre « Appearance » donné par Jeff Wall à l’exposition (« apparence » ou « apparition »), il exprime clairement ce qui se joue dans chaque image.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°717 du 1 novembre 2018, avec le titre suivant : Jeff Wall, retour sur quarante ans de création
