Art contemporain

Jaume Plensa autour et dans la tête

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 26 juin 2017 - 510 mots

Le sculpteur catalan expose cet été en France, à Saint-Étienne et à Narbonne.

« Quand je fais une tête séparée d’un corps, elle devient la métaphore de tout l’ensemble et elle prend un côté archaïque très fort », dit Jaume Plensa. Ce disant, le sculpteur rejoint Giacometti qui affirmait : « La tête, ce sans quoi le corps ne serait rien. » Les têtes monumentales que l’artiste a rassemblées dans l’immense salle du musée stéphanois offrent au visiteur l’occasion d’une expérience inédite qui joue sur l’opposition, sinon la complémentarité entre deux types de traitement plastique. D’une part, Plensa présente cinq têtes en fonte, toutes allongées et aplaties, qui sont les portraits anamorphosés de cinq jeunes femmes bel et bien réelles ; de l’autre, deux têtes pleinement réalistes qui se font face, tout aussi imposantes, faites d’un réseau de mailles métalliques. Dans le premier cas, le visiteur ne peut s’empêcher de tourner tout autour en quête du visage de celles qui ont servi de modèles ; dans le second cas, il s’amuse à traverser du regard la forme réelle des figures représentées, comme pour y entrer.
 

Portraitiste de l’âme

La sculpture, somme toute, le Catalan l’envisage comme une expérience sensible et phénoménologique du rapport que le spectateur entretient tant à lui-même qu’à l’autre. Ici, la déformation conserve une part de mystère que conforte l’opacité du matériau et qui fait écho à l’idée d’une intériorité, de cette part secrète qui est en nous. Là, la transparence induit un jeu de regard entre les visiteurs, sinon entre soi et le monde, à travers une trame qui opère paradoxalement comme un écran et une ouverture. Dans tous les cas, il y va d’une réflexion sur la possibilité de la représentation de la figure humaine que Jaume Plensa cherche à remettre au cœur même du processus créatif. Son art est requis par une forme d’humanisme qui recourt tant aux protocoles de moulage et de fonte les plus traditionnels qu’aux technologies de pointe, la 3D et l’ordinateur, seule comptant chez lui la possibilité de dire un être au monde. Installée quant à elle dans la salle capitulaire de l’abbaye de Fontfroide, Sanna compte parmi ces sculptures blanches en bronze patiné que Jaume Plensa a regroupées sous le nom de « Forêt blanche ». À s’en approcher, le regardeur découvre un visage d’une pureté absolue, les yeux fermés, qui émerge d’un simple socle rond et dont la forme émaciée à l’extrême empêche toute identification précise. « Si les yeux sont fermés, c’est pour mieux souligner la voix intérieure, l’âme qui vit dans l’obscurité de nos corps », commente l’artiste. L’intention est claire, le challenge audacieux, le pari réussi : faire un portrait d’âme. Inscrite dans le cadre d’une manifestation estivale (In Situ) visant à établir un dialogue entre l’architecture patrimoniale et l’art contemporain dans plus d’une dizaine de lieux d’Occitanie, la présentation de Sanna à Fontfroide charge l’œuvre du sculpteur d’un supplément de spiritualité. À une époque où l’image gouverne et détermine notre quotidien, Sanna est une invitation à oser nous en affranchir pour requalifier ce rapport existentiel qui nous lie au monde.

 

 

« Jaume Plensa »,
jusqu’au 17 septembre 2017. Musée d’art moderne et contemporain Saint-Étienne Métropole, rue Fernand-Léger, Saint-Priest-en-Jarez (42). Ouvert tous les jours de 10 h à 18 h. Fermé le mardi. Tarifs : 6 et 4,50 €. Commissariat : Lóránd Hegyi. www.mam-st-etienne.fr
« Jaume Plensa. Forêt blanche »,
jusqu’au 17 septembre 2017. Abbaye de Fontfroide, route Départementale 613, Narbonne (11). Ouvert tous les jours de 9 h 30 à 19 h. Tarifs : 11,50 et 8 €. www.fontfroide.com

 

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°703 du 1 juillet 2017, avec le titre suivant : Jaume Plensa autour et dans la tête

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