Jan Fabre à la pointe bleue du Bic

L’exposition que lui consacre le Musée d’art moderne de Saint-Étienne fait davantage la démonstration que c’est le bleu. Pas n’importe lequel : le bleu pointe Bic dont l’encre offre à voir à la lumière toute une gamme de teintes mordorées qui vont du rouge flamboyant au noir le plus profond. Un bleu familier, d’un temps de prime jeunesse, associé à l’idée de gribouillis, de griffures et de caviardages en tous genres. Réalisées entre 1977 et 1992, les œuvres qui sont rassemblées – de grands, voire de très grands dessins, boîtes à chaussures et autres structures en bois – appartiennent toutes à l’ensemble dit de l’Heure bleue.

Par-delà le travail laborieux que représente le soin de recouvrir autant de surfaces et cette façon de corps à corps qu’il oblige, il y va de la révélation d’un monde mystérieux et indéfinissable, à une heure ambiguë où il ne fait ni jour, ni nuit. Figures, animaux, objets, tout y est immergé dans une « obscure clarté » qui empêche le regard de se fixer en un lieu quelconque et d’y repérer le moindre signe, sinon celui d’étranges sabres en suspens dans l’image qui contribuent à la percer. Tout y est orchestré comme si l’espace d’exposition n’était autre qu’une scène de théâtre vouée à l’exercice d’une  projection. Si la poésie est invasion, comme le prétend Cocteau, elle trouve là l’occasion d’un lieu où advenir.