Douai célèbre les collections régionales d’estampes nordiques.
DOUAI - Dans le cadre de l’opération « Feuille à feuille » organisée par l’Association des conservateurs des musées du Nord - Pas-de-Calais, les estampes hollandaises et flamandes de ces institutions, récemment inventoriées, sont pour la première fois réunies au Musée de la Chartreuse de Douai. Dans une mise en scène sobre et claire, portraits, paysages, vues de villes et autres scènes de genre témoignent de l’essor de l’image imprimée dans les anciens Pays-Bas aux XVIe et XVIIe siècles. Ce développement est soutenu par le dynamisme de la demande et de l’édition. La scénographie respecte la typologie propre au médium, en distinguant estampe originale et d’interprétation. À l’invention de compositions gravées s’oppose ainsi la production de dérivés ou de copies. On peut observer la variété de ces applications à partir des Cinq disciples du Christ de Dürer (1514-1526) : les reproductions de qualité de Johannes Wierix s’affichent à côté des reprises fantaisistes d’un Christoffel Van Sichem II. Sur ces questions de reproduction, auxquelles les débats actuels sur le droit d’auteur font écho, la comparaison des planches avec des originaux prêtés par de grandes institutions européennes est éclairante.
La présentation invite à la découverte d’une pratique largement répandue. Elle concerne Rembrandt et Van Dyck, même si leurs démarches diffèrent, le premier intervenant directement sur le cuivre, alors que le second confiait à un graveur des dessins issus de ses toiles. L’aspect synthétique de la gravure sur bois contraste avec les délicats effets de matière et de lumière permis par le travail au burin ou à l’eau-forte sur cuivre. Dans sa copie de La Vanité des biens terrestres (1608-1610), d’Abraham Bloemaert, les différentes tailles du burin de Willem van Swanenburg restituent aussi bien la légèreté des bulles que la lourdeur des étoffes. Les cartels détaillés précisent, outre la technique, l’état d’avancement de l’œuvre, le numéro de l’édition, ainsi que la « lettre », c’est-à-dire la signature et autres inscriptions figurant dans la marge.
Au fil du parcours apparaissent les nombreuses fonctions de la gravure. Jusqu’au XIXe siècle, elle est le moyen privilégié de diffusion des modèles artistiques auprès des élèves et une source inépuisable d’inspiration pour les artistes. Hendrick Goltzius s’est ainsi essayé à graver à la manière de maîtres tant italiens que flamands. La diffusion à grande échelle et à moindres coûts permise par l’édition fut porteuse d’un enjeu réel. Le Portrait équestre de Guillaume III (1672) par Romeyn de Hooghe témoigne ainsi du potentiel propagandiste de l’estampe. De même, les effigies des grands hommes circulent, telles les nombreuses représentations gravées de l’humaniste Juste Lipse. L’édition représente pour les artistes un débouché commercial dont certains ont fait une véritable industrie. L’atelier de Rubens en est un bon exemple, entre la transcription en dessins par Van Dyck et leur gravure confiée à Lucas Vosterman I. En rendent compte les images graphiques et imprimées tirées de son Job tourmenté par sa femme et les diables (1620-1628). L’atmosphère recueillie régnant dans l’ancien couvent de la Chartreuse de Douai contribue à nous convaincre, avec Gérard de Lairesse, auteur du Grand Livre des peintres (1707), qu’« on ne peut douter que la gravure soit un art noble et digne de louanges ».
Jusqu’au 4 février 2007, Musée de la Chartreuse, 130, rue des Chartreux, 59500 Douai, tél. 03 27 71 38 80, tlj sauf mardi 10h-12h, 14h-18h. Cat., 190 p., éd. Gourcuff Gradenigo, 29 euros, ISBN 2-35340-009-6.
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Abonnez-vous dès 1 €Commissaires : Françoise Baligand, conservateur en chef du Musée de la Chartreuse de Douai ; Gaëtane Maës, maître de conférences en histoire de l’art à l’université de Lille-III - Nombre d’œuvres : 130
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°249 du 15 décembre 2006, avec le titre suivant : Images du Nord