Images à charge

« Images à charge, la construction de la preuve par l’image », l’exposition conçue pour les cinq ans de l’institution par sa directrice, Diane Dufour, s’inscrit dans la droite ligne de cette vocation. Construit de concert avec des historiens et des experts de ces questions, son propos résonne avec notre époque et l’histoire du XXe siècle. Première Guerre mondiale, purges staliniennes, camps de concentration nazis, destruction du village kurde de Koreme par l’armée de Saddam Hussein ou conflit israélo-palestinien : cas par cas, depuis l’invention au début du XXe siècle par Alphonse Bertillon de la photographie métrique d’une scène de crime, se déploie l’évolution des procédés et des moyens d’investigation scientifiques et technologiques mis en place jusqu’à nos jours pour enquêter sur des crimes ou des violences individuelles ou collectives. Le film de Christian Delage sur le procès de Nuremberg et sur la confrontation des nazis aux images de leurs crimes revient ainsi sur le tournage du film de John Ford sur les camps de concentration, preuve à charge projetée lors du procès et réalisée selon un protocole de prise de vue précis afin qu’aucun doute ne soit permis sur la véracité des images. Le processus d’identification du crâne de Josef Mengele mené en juin 1985 à São Paulo par Richard Helmer, ici également détaillé, a marqué de son côté un tournant juridique et technologique dans l’histoire de la science médico-légale. « Ce n’est plus le sujet, mais l’objet qui occupe désormais le centre de la scène judiciaire », relève Eyal Weizman, directeur de Forensic Architecture, agence d’expertises scientifiques spécialisée dans les cas d’atteintes aux droits de l’homme. Invité par Diane Dufour, ce dernier expose d’autres défis techniques relevés par son agence récemment, notamment celui qui consistait à prouver, dans le cadre d’une enquête internationale menée par les Nations unies, la frappe d’un drone à Miranshah, au Pakistan, à l’origine de la mort de civils à l’intérieur d’une demeure.