CASTRES
Ici, sur un arbre désolé, gisent des corps estropiés (Grand fait d’armes ! Avec des morts !). Un tronc comme une croix, un charnier comme un calvaire. Modernes. Là, inconsolable, une fillette pleure le cadavre de sa Mère infortunée que des anonymes s’en vont enterrer dans quelque fosse où, déjà, doivent s’empiler les corps.
Ces scènes atroces, Goya (1746-1828) les a vues de ses yeux. Vues dans cette Espagne absolutiste qui, de 1808 à 1813, mène une guerre d’indépendance contre la France, cette ennemie offensive sur l’échiquier de l’Europe. Car Napoléon vient d’avancer en terre ibérique un pion encombrant, un frère d’armes et de sang prénommé Joseph. Un pion qui, intronisé roi, ne parvient pas à mater l’ennemi. C’est que la résistance est féroce. Beaucoup plus féroce que prévue.
Réalisées entre 1810 et 1820, les quatre-vingts eaux-fortes de Goya relatent – c’est leur titre – les Désastres de la guerre. Édifiantes, elles seraient cauchemardesques si elles n’étaient pas réelles, trop réelles. Insoutenables car authentiques, donc. Noires comme la bile qui les anime. Blanches comme les armes qu’elles figurent et les nuits qu’elles peuplent. Aujourd’hui restaurée, la série castraise permet de mesurer la science de Goya, sa virtuosité dans les contrastes et dans les lignes, son aisance narrative et son talent d’imagier comme de chroniqueur. Un reporter en ses frontières, là où d’héroïques femmes (Et elles sont féroces) côtoient de lugubres pendus (Non plus). Admirable.
Musée Goya, hôtel de ville, Castres (81), tél. 05 63 71 59 30, du 24 juin au 23 octobre 2011.
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Idées noires et nuits blanches
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°637 du 1 juillet 2011, avec le titre suivant : Idées noires et nuits blanches