Quatre-vingt-dix ans après l’édition illustrée du Chef-d’œuvre inconnu par Picasso, l’artiste Eduardo Arroyo rend à son tour hommage à Balzac en lançant le projet ambitieux d’illustrer La Comédie humaine, ensemble de plus de quatre-vingt-dix récits littéraires.
Une trentaine d’œuvres de ce cofondateur du mouvement de la Figuration narrative, extraites de cette série, sont en ce moment réunies à la Maison de Balzac, à Paris. Le choix d’un parcours libre, sans chronologie ni thématique, rend compte de l’aspect fragmentaire et inachevé de ce projet, le peintre Eduardo Arroyo étant décédé en 2018. Trois motifs récurrents sont néanmoins essentiels : la figure de Balzac, les personnages fictifs et les intérieurs imaginaires de l’écrivain. Une série de portraits de l’écrivain, dessin, huile sur toile et collage, aux allures souvent caricaturales, mettent en scène la fascination de l’artiste pour cet auteur. Son travail minutieux de collage à partir de photographies anciennes, classées par teintes, fait écho au procédé surréaliste. Du Père Goriot à Madame Hanska, Arroyo se réapproprie ces personnages, entremêlant fiction et réalité. Ce « vagabondage » dans les souvenirs de l’artiste permet de découvrir son travail sur l’exploration de la mémoire. Bien que certains portraits soient accompagnés de citations descriptives des personnages, il ne s’agit pas de les réduire à de simples illustrations du texte. Au contraire, l’œuvre de Balzac devient un prétexte, un lieu propice au déploiement de l’imaginaire. Cette invitation à la lecture, hommage au génie littéraire, aurait toutefois mérité des indications supplémentaires sur la passion d’Arroyo pour la littérature ainsi que sur les divers supports utilisés.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°732 du 1 mars 2020, avec le titre suivant : Honoré de Balzac vu par Arroyo